LA JEANNE, UN BATEAU-OPERATIONS : A COEUR VAILLANT ! (17.11.2009)

Bâtiment-école de la Marine nationale depuis 1964, le porte-hélicoptères Jeanne d'Arc a longtemps considéré moins comme une véritable plate-forme opérationnelle qu'un bateau étendard. S'il est avéré que, de par sa dimension d'ambassade flottante, le porte-hélicoptères immatriculée R 97 a organisé lors de chacune de ses escales moult réceptions contribuant au rayonnement de la Marine et de la France, la Jeanne a également mené, au cours de sa riche carrière, des missions opérationnelles, à vocation humanitaire notamment. Comme en mer de Chine, en Amérique centrale ou en Indonésie. Récits de deux missions d'envergure, emblématiques à plus d'un titre...

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EXTRAITS « Quand l'espoir s'appelle Jeanne d'Arc »

«Au fond de la mer de Chine, mangés par les requins, dans la mousson et par les vents, il y a 500 000 vietnamiens» tempête, dès novembre 1978, un jeune médecin aux longues mèches blondes. En France, le docteur Bernard Kouchner mobilise les énergies et les volontés afin de porter secours aux Vietnamiens fuyant le régime communiste d'Hanoi par voie maritime.

En mer de Chine, la réalité dépasse, en effet, tout entendement. La moitié de ces émigrants - vite baptisés des boat people - périraient en mer selon les journaux d'époque. Fuyant leur pays pour des motifs politiques, le sort réservé aux boat people est cruel. Leurs moyens de transport sont rudimentaires. Ni électricité, ni eau courante à bord de leur embarcation de fortune.

Ces vietnamiens sont aussi bien à la merci de leurs compatriotes policiers zélés ratissant inlassablement le delta du Mékong que des pirates rançonneurs en haute mer. Les boat people sont des proies idéales. Pour les survivants atteignant la terre ferme, le calvaire se poursuit.

Jugés émigrants illégaux, aucun des pays voisins du Vietnam ne souhaitent les accueillir. Aucun statut ne peut leur être attribué. Aucun titre ou aucune carte de réfugiés ne peut leur être octroyé. Aussi sont-ils le plus souvent poussés à repartir en mer et à de nouveau affronter les pirates. L'un des plus grands défis humanitaires d'après-guerre se posent ainsi à la communauté internationale qui ne tardent pas néanmoins à réagir. Entre l'été 1979 et l'été 1982, plus de vingt pays - dont les Etats-Unis, le Canada, l'Australie et la France - accueilleront sur leur sol plus de 620 000 réfugiés en provenance de l'ex-Indochine.

Dès mars 1979, l'action énergique du docteur Kouchner et de ses acolytes, sous la bannière de l'ONG «Médecins sans Frontières», s'est concrétisée par l'envoi, du navire hôpital Île de lumière. L'épopée des French doctors a été retentissante. Tout comme le tapage médiatique qu'elle a provoqué. L'engagement du gouvernement français est néanmoins demeuré discret, posture diplomatique oblige. 

A compter de l'élection de François Mitterrand comme président de la République en mai 1981, la France va officiellement s'engager en décidant d'employer des moyens militaires en concertation avec les ONG présentes sur place. Les marins de la Marine, plutôt rompus aux missions d'assistance à des populations isolées, vont ainsi s'exercer à l'art habile de mener des missions dans un cadre autant militaire que civil. Avec le concours d'organisations non gouvernementales et la «bénédiction» étatique, la Marine nationale va dès lors mener des opérations humanitaires d'envergure, dont une à l'écho fort retentissant...

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EXTRAITS
Au chevet des victimes du tsunami

26 décembre 2004, un tsunami (du japonais «vague de port») dévaste le littoral de l'Indonésie, de la Malaisie, de la Thaïlande, du Myanmar, du Bangladesh et du Sri Lanka. Après la forte mobilisation internationale et les multiples promesses de dons, des États se mobilisent et se concertent afin d'apporter une aide humanitaire et sanitaire aux populations sinistrées. La France décide de l'envoi de la Jeanne d'Arc dans la zone proche de l'épicentre de l'île de Sumatra en Indonésie.

L'opération d'assistance humanitaire et militaire française dénommée « Beryx » (du nom d'un poisson vivant dans l'océan Indien) est mise sur pied. La campagne 2004/2005 du GEAOM est aménagée. Escale logistique expresse à Djibouti, la Jeanne fait les pleins.

Dans ses soutes : 150 tonnes de fret dont 82 000 litres d'eau minérale, plus de 8 000 rations alimentaires, 3 frigos, 1 lot de tronçonneuses, 2 lots  de décontamination d'eau, 4 groupes électrogènes, 3 véhicules tout terrain type P4 et 1 tractopelle de 10 tonnes.

Des bâches à eau, sortes de réservoirs souples, sont également prévus afin de servir à alimenter, par voie aérienne, les villages coupés du monde. Concernant le médical, la « Jeanne » met à disposition une salle d'opération, 16 lits d'hospitalisation un poste de secours, des lots catastrophe, 200 lits picots, 30 tentes et un mini-laboratoire d'analyses médicales. Un véritable hôpital flottant armé par 18 médecins et 21 militaires de la fonction santé.

Si la « Jeanne » n'est plus aussi rapide que lors de ses jeunes années, elle file néanmoins à 14 nœuds (26 km/h) vers l'Indonésie et le nord-ouest de l'île de Sumatra. C'est dans la province d'Aceh que les marins militaires français, épaulés par la sécurité civile et des légionnaires, vont œuvrer. Dans une zone où le raz-de-marée a fait de conséquents ravages : plus de 100 000 morts, 12 000 disparus et 700 000 déplacés. Les deux principales villes côtières - la capitale provinciale (Banda Aceh) et Meulaboh - sont dévastées.

En chemin, courte escale au Sri Lanka afin d'embarquer reporters et VIP, dont le photographe et peintre de la Marine Philipp Plisson ainsi que l'écrivain-académicien Jean-François Deniau de retour sur un bateau gris qu'il affectionne tant. Avec ses six hélicoptères embarqués (dont un sur la «conserve» - NDLR : la frégate accompagnatrice) destinés à faciliter les approvisionnements dans les zones les plus inaccessibles, et son hôpital flottant, la Jeanne est taillée pour ce type de mission.

Au Mozambique comme au Honduras après le cyclone Mitch ou encore à Haïti en 1994 pendant l'opération «Carbet» de rétablissement de la paix, la Jeanne d'Arc a démontré l'étendue de ses capacités. (...)

Textes Stéphane DUGAST
Porfolio de Christophe GERAL

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Extraits parus dans COLS BLEUS n°2927, l'hebdomadaire de la Marine.
18/11/2009


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Textes et clichés extraits du Beau-Livre

LA JEANNE D'ARC, porte-hélicoptères R97

(E/P/A – Les éditions du Chêne)
Photographies de Christophe Géral
Enquête de Stéphane Dugast

+ d'infos sur www.lajeannelelivre.fr

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