RECIT POLAIRE 2|3 (18.02.2010)

EN COULISSES 2|3
Récit et photographies de Stéphane DUGAST

BLOS SD PEV 2 ouv.jpg

Sept décennies après ses hivernages au Groenland oriental, j'ai glissé mes pas dans ceux de Paul-Emile Victor (1907-1995) afin de raconter le destin d'une des figures emblématiques de l'aventure polaire du  vingtième siècle et une région du globe en pleine mutation. Deuxième volet du récit de cette aventure polaire racontée dans un livre, une exposition, un film documentaire et dans la presse.

PEV 11 W.jpgEn suivant le sillage de Paul-Emile Victor sept décennies après ses séjours sur la côte orientale du Groenland, pénétrer au cœur des traditions et de l'âme Inuit a été notre leitmotiv. Une suite d'enquêtes minutieuses nous a permis de retrouver les empreintes laissées par «l'ami Paul-Émile», comme nous l'appelons désormais affectueusement.

Durant ce voyage au fil des glaces, nous avons eu le bonheur de rencontrer les derniers survivants Inuits (désormais octogénaires), témoins des passages du kratouna («blanc» en tunumiutut) «qui écrivait tout le temps et imitait le singe pour faire rire les enfants».

Tout au long de ce voyage initiatique, notre parcours a également été jalonné par de lumineuses rencontres. Tobias le chasseur, Silba, Gerti ou Max l'étonnant professeur marseillais, tous nous ont raconté, avec ferveur et enthousiasme, la vie contemporaine et celle des «temps anciens».

En écho aux récits épiques et aux clichés artistiques de «l'ami Paul-Émile», j'ai  été conquis par la magie de cette région du globe pourtant menacée par les effets du réchauffement climatique. Tandis que les glaciers fondent inexorablement, la banquise - le territoire de prédilection des chasseurs Inuits -  se réduit, aussi bien en superficie qu'en épaisseur.

Les répercussions de ces dérèglements climatiques sont  d'ores et déjà palpables pour la communauté Inuit. En s'amincissant, la banquise a ainsi rendu tout déplacement en traîneaux aléatoire le long de la côte orientale du Groenland. A cause de la disparition de la banquise hivernale dans les fjords durant la dernière décennie écoulée, les Inuits privilégient désormais les bateaux à moteur au détriment des chiens, privés d'activité faute de banquise.

En réponse à ces changements, la majorité des chasseurs a également préféré tuer ses chiens plutôt que d'en assurer l'entretien. L'utilisation du bateau à moteur s'est systématisée été comme hiver. Les habitants d'Ammassalik sont aux premières loges du réchauffement climatique. Paradoxalement, la plupart des 3 000 Inuits peuplant cette région froide du globe semblent moins inquiets de ces récents bouleversements que les Occidentaux.

«Les hivers sont plus courts et en plus il fait moins froid !» entend-on dans les rues de Tasilaaq, la principale agglomération concentrant le 2/3 des habitants. À l'inverse des sédentaires déconnectés de leur environnement, la poignée de chasseurs - une soixantaine tout au plus - est, quant à elle, préoccupée par ces dérèglements climatiques.

Si il est difficile pour les Inuits d'imaginer tous les scenarii d'évolutions climatiques envisagés par la communauté scientifique internationale plutôt alarmiste quant à l'impact de la fonte des glaciers au Groenland sur les activités humaines (élévation du niveau des océans, instabilité des modèles météorologiques,  inflexion des courants marins...), ces récents dérèglements climatiques visibles dans la région d'Ammassalik envoient des signaux forts au reste de la Terre. Les régions polaires sont plus que jamais le baromètre de la planète en surchauffe...

(A SUIVRE)


«Dans les pas de Paul-Émile Victor» sur Internet, rendez-vous sur  : www.danslespasdepaulemilevictor.fr

Lien permanent | |  Facebook | | |