MOT MARIN : LE BIDEL (31.10.2014)

Pour tout marin militaire embarqué, le capitaine d’armes incarne la police et la discipline. On l'appelle - sans trop savoir pourquoi - le «bidel». Pourtant à l'origine, le terme n'avait aucun rapport avec le monde de la mer...

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Case extraite de R97 - Des hommes à terre. BD de Christian Cailleaux & Bernard Giraudeau. (Casterman)


BIDEL (bi.dɛl). n.m.  Cette appellation fait référence à la magie foraine d’autrefois, ou plus exactement à un dresseur de fauves illustre. Un dénommé Charles Bidel.

Figure glorieuse du monde de la foire et des ménageries alors en vogue à la fin du dix-neuvième siècle, ce fils de dompteur et de dompteuse avait toutes les qualités requises pour le métier : l’œil, la voix, le geste, la force, le sang-froid et l’élégance.

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La presse s’enthousiasmait à propos de ce «beau gars à épaisse crinière et au regard d’acier». De surcroît, Monsieur Bidel portait beau. C’est toujours en habit de cérémonie, la chemise ornée de boutons de diamants, que l’artiste exerçait ses talents devant son public. 

Pendant 40 ans, il risquera ainsi sa peau quotidiennement sous la griffe et les crocs menaçants de ses fauves. Il n’était alors pas rare de voir des belluaires se faire parfois dévorer sous les yeux du public subitement affolé ou avide de curiosité.

Lors d’une foire à Neuilly en 1886, pareille mésaventure faillit d’ailleurs arriver au fameux gentleman à cause de «Sultan», son lion préféré. Deux employés, armés de barres de fer rougies, vinrent juste à temps à la rescousse du dompteur en fâcheuse posture.

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Finalement, ce ne fut pas à cause des «jeux du cirque» que Charles Bidel renonça à son dangereux métier en 1902 mais la faute à un banal accident domestique. En tombant d’une échelle, il ne se remit jamais de sa jambe fracturée gagnée par la gangrène qu’il fallu lui couper.

Retiré dans sa villa d’Asnières, le «vieux fauve» rumina sur son sort finalement moins heureux que dans sa roulotte. Sa renommée et sa faconde construiront cependant sa légende.

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Les marins préféreront retenir sa science à gérer les hommes. Car, Monsieur le Directeur de la ménagerie Bidel ne transigeait pas avec la discipline. Il avait même élaboré un règlement strict prévoyant à son personnel sanctions et amendes en cas de retards, de bagarres ou de paresse.

Autant de prétextes à faire naître l’expression de «Bidel» dans la Marine à voile. La chanson populaire s’en emparera ensuite comme dans «Fanny de Lanninon», écrite par l’écrivain Pierre Mac Orlan (1882-1970), fixant définitivement l’appellation de «Bidel» dans la Marine militaire contemporaine.

Stéphane Dugast
Visuels Christian Cailleaux - DR
Chronique parue dans COLS BLEUS N°2956, le magazine de la Marine nationale

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