EMBARQUEMENTS

(LIRE L’ÉPISODE PRÉCÉDENT) «Imperceptiblement, les baguettes de bois légèrement courbes effleurent la peau des tambours. D'un chant à peine murmuré, les joueurs égrènent une prière en langue Tlich'o. Presque une berceuse.

Nous sursautons. Sans coup férir, les tambours se sont mis à tonner violemment. Les voix rauques et gutturales s'élèvent en un chant d'une puissance inouïe. Puis les deux se lèvent, silencieux.

Elle, hiératique, le visage serein et grave, dans sa longue robe de peau de caribou finement tannée et blanchie, ornée de franges et rebrodées de perles. Lui porte sur une chemise blanche le gilet de peau d'élan souligné de motifs floraux que les femmes de la communauté ont brodé dans la tradition dènè.

Aucun geste superflu, aucune agitation inutile. Lancinant, le rythme des tambours entraîne les corps dressés. Les pieds chaussés des mukluks, également brodés et maintenus par des liens de peau souple, marquent la mesure d'un pas déterminé et pourtant discret. Puis un aîné se lève et suit le couple. Comme entraînée irrésistiblement par la force des tambours et des chants, c'est bientôt toute l'assemblée qui entre dans la ronde.

Des heures durant, ni les danseurs, ni les tambours ne faibliront.

Nous avions pourtant besoin d'une nuit calme. A la veille d'un départ en expédition, on ne peut éviter les mains moites, la sourde montée d'angoisse et d'adrénaline. Hébergés dans la salle communautaire de ce village perdu au bout de la route de glace, nous avions déjà investi les lieux, organisé le couchage, re-re-revérifié les pulkas. Mais le propre du voyage est toujours l'imprévu.

Pouvait-on rêver mieux qu'un mariage traditionnel Tlich'o pour célébrer cette dernière nuit de veillée d'armes avant que Pascal et Philippe ne s'élancent pour 35 jours de silence et de solitude dans la taïga et la toundra arctiques ? » (LIRE LA SUITE)

Dominique
depuis Gameti, Territoires du Nord-Ouest, Canada, 64° 6'40'' N 117°21'15''