Lancé en 2007, le blog Embarquements cesse momentanément ses parutions.
VENTS PORTANTS
Ancien commandant du dundee Mutin et de la goélette l’Etoile, Patrice L’Hour est un fin connaisseur de la Marine à voile. A l’occasion du prochain Grand Prix de l’Ecole Navale qui va se dérouler dans la rade de Brest, du 2 au 5 juin prochain, je l’ai interrogé sur l'utilité de la voile dans la Marine militaire moderne. Réponse de l’intéressé.
« A l’ère des navires de guerre modernes, naviguer sur des voiliers peut apparaître anachronique. Pourtant, aujourd’hui comme hier, souvent, seul le sens marin nous permet de nous sortir des situations délicates.
Savoir naviguer « à l’ancienne » permet d’assimiler et d’appréhender les fondamentaux du métier de marin.
Plus que sur un autre bâtiment, l’esprit d’équipage, la rusticité et les exigences du métier sont palpables sur les voiliers-écoles de la Marine nationale. J’ai eu la chance de commander le dundee Mutin et la goélette Etoile.
Durant mes deux années de commandement de l’Etoile, le programme d’activités a été soutenu : 1 924 élèves embarqués, 34 ports visités, 9 pays visités et 26 145 nautiques parcourus. Point d’orgue de cette affectation, notre participation, en compagnie de la goélette Belle-Poule, à une course océanique phare : la Tall Ships Atlantic Challenge durant l'été 2009*.
C’est à cette occasion que les goélettes ont traversé pour la première fois l’océan Atlantique. Cette épopée a connu par ailleurs un beau succès médiatique puisque le blog ouvert pour l’occasion a été visité par près de 13 000 internautes en l’espace de quatre mois. Preuve de l’intérêt du grand public pour les voiliers écoles de la Marine.
A une époque où les passerelles des bâtiments modernes offrent de moins en moins d’accès sur l’extérieur et disposent d’équipements modernes, il faut pourtant toujours important d’apprendre « à lever la tête, à observer la mer et à sentir les éléments ».
Préserver l’apprentissage de la navigation traditionnelle demeure encore, à mes yeux, un choix pertinent et de plus en plus judicieux. Un marin doit toujours avoir en tête que les équipements modernes tombent en avarie tôt ou tard et très souvent « au moment où il ne le faut pas ». Il est alors indispensable de savoir pratiquer la navigation avec les instruments de base pour continuer de naviguer en sécurité.
En plus d’être des écoles de la mer et de la vie en équipage sans égales, ces voiliers participent au rayonnement de la Marine et permettent de vivre des expériences uniques. L’un de nos glorieux anciens était d’ailleurs élogieux à leur propos : « Elève, j'ai toujours beaucoup aimé embarquer sur ces bateaux. Nous participions aux manœuvres, à la barre et à la navigation. Comme les deux goélettes naviguaient presque toujours de conserve, de l'une nous avions toujours une très belle vue de l'autre. On peut être reconnaissant à la Marine nationale d'avoir su garder ces éléments importants de notre patrimoine maritime dans un état impeccable. Ces bateaux sont magnifiques et l'on ne peut que souhaiter que la Marine nous les garde pour toujours ». Ce marin s’appelait Eric Tabarly.
Quant à l’intérêt économique de conserver des voiliers-écoles, il est avéré. Le prix du « baril de vent » est constant et cette ressource inépuisable. La navigation à la voile est donc encore un vecteur de formation adéquat, fédérateur, symbolique, médiatique et de surcroît économique »
Propos recueillis par Stéphane DUGAST
Photographies Marine nationale
* Livre à paraître en juin prochain La Belle Poule en Amérique d’Olivier Lebosquain