Lancé en 2007, le blog Embarquements cesse momentanément ses parutions.
DE JEANNE NOUS PARLONS
Les deux auteurs de l'ouvrage « La JEANNE D'ARC porte-hélicoptères R97» - récompensé par le prix du Beau-Livre de l'Académie de Marine 2010 - parlent de leur ouvrage.
Armée & Défense - Pourquoi la Jeanne d’Arc a-t’elle bénéficié d’un tel affectif tant auprès des marins que du public ?
Stéphane Dugast - Parce que c’est la « Jeanne » comme disent affectueusement ses marins ! Ses différents équipages ont tissé un lien quasi charnel avec ce bateau en y apprenant la mer, parfois la vie et en découvrant le monde. Des générations d’officiers et de marins, ainsi que de nombreux appelés du contingent, s’y sont succédés. Et puis, la « Jeanne », c’est la promesse d’aventures et d’escales. Ce « bateau gris » a su s’emparer de l’imaginaire des marins comme des terriens…
Christophe Géral - C’est la magie de la vie ! Certains navires gardent une aura et un charisme tout au long de leur existence…
A. & D. - Existe-t’il un autre bâtiment de la Marine encore en activité qui pourrait reprendre le flambeau dans le cœur des militaires et des Français ?
S.D - Difficile à dire. Peut-être le porte-avions « Charles-de-Gaulle »…
C.G. - Le futur est à écrire, il faut inventer une autre façon de finaliser la formation des officiers-élèves sur un autre navire.
A. & D. - Quelle était l’ambiance à bord alors que l’issue finale approchait ?
S.D - Emouvante ! A bord, depuis la veille au soir, le climat était néanmoins serein. Les marins sont des gens pudiques. La tension est cependant montée d’un cran lors de l’arrivée. La foule se pressait à Brest et dans son goulet. Marins et terriens fêtaient la « Jeanne », leur « Jeanne ». J’ai eu la chance de filmer cet instant et d’intégrer cette séquence dans un film documentaire de 52 minutes intitulé « La Jeanne d’Arc, ultime embarquement » (Diffusion en octobre & novembre prochain sur TV Rennes, Tébéo, Ty Lorient et RFO). Je crois qu’en regardant les images on ressent cette émotion particulière…
C.G. - Difficile a dire, avec un tel passé on croit que la fin n’arrivera jamais mais la réalité nous rattrape…
A. & D. - Est-il facile de faire des photos à bord d’un navire de guerre et en pleine mer ?
C.G. - Je ne sais pas si c’est facile ou difficile mais c’est passionnant !
A. & D. - Pensez-vous que le nom Jeanne d’Arc doive être redonné à un autre bâtiment ?
S.D - L’attribution de « Jeanne d’Arc », héroïne de l’histoire de France, à un bateau de formation est une longue tradition dans la Marine. L’Institution a choisi de rompre avec cette tradition en ne dédiant pas un bâtiment « Jeanne d’Arc » à la formation de ses futurs cadres.
C.G. - Il faut respecter le passé c’est pourquoi je pense que c’est une bonne idée que le nom de « campagne Jeanne d’Arc » soit donné aux deux bâtiments dédiés à la formation des élèves-officiers. Mais il faut déjà penser à l’avenir et à une autre forme d’instruction sur un autre navire.
A. & D. - Comment la Jeanne était-elle perçue à l’étranger ?
S.D - En 46 années de carrière, la « Jeanne » aura visité plus de 80 pays et effectué près de 800 escales. La Jeanne est un navire ambassade. Chacune de ses escales constituait d’ailleurs une visite officielle de la France.
C.G. - La « Jeanne », c’est la France avec son prestige et son histoire.
A. & D. - Vous avez effectué plusieurs séjours à bord, quel moment garderez-vous plus particulièrement en mémoire ?
S.D - Mon premier souvenir, c’est l’odeur en montant à bord. Une odeur indéfinissable : un mélange d’huile et de métal. C’est aussi une architecture atypique. La « Jeanne » était cependant un bateau difficile d’accès pour tout « intrus » civil. Il fallait savoir apprivoiser son équipage plus qu’ailleurs. C’est à ce prix que l’on parvenait à décrypter la « Jeanne » et son âme…
C.G. - Pour moi, le temps fort de mes différents embarquements, c’est la veillée du 31 décembre sur le pont d’envol avec la « Jeanne » naviguant dans le canal de Suez. Tout simplement magique !
Photographies © Christophe GERAL