Lancé en 2007, le blog Embarquements cesse momentanément ses parutions.
MONFREID, L’INTRÉPIDE MARIN
Négociant en perles, contrebandier d'armes, commis en cuirs et cafés, trafiquant de haschich, aventurier infatigable, opiomane invétéré, écrivain sur le tard et marin chevronné, Henry de Monfreid (1879-1974) a vécu mille et une vies. Un milieu l’a pourtant fasciné toute sa vie : les océans. Portrait d'un écrivain-voyageur et présentation de récents ouvrages consacrés à l'intéressé, images d'archives en prime.
SON PORTRAIT L’image est trouble. «Vieux pirate» selon le romancier et reporter Joseph Kessel. «Chef adoré de son équipage mais mari et père très peu attentionné» dixit l’académicien Jean-François Deniau. «Abd el Haï» pour les habitants d’Abyssinie d’alors.
«Marginal converti à l’islam mais aussi patriote qui essaiera de donner Cheikh-Saïd à la France», dixit toujours Jean-François Deniau, fondateur du corps des écrivains de Marine. «Un personnage à mille coudées au-dessus de l’image du pirate qu’il avait lui-même accréditée», précisera, quant à lui, Daniel Grandclément, journaliste et biographe* de l’intéressé.
Écrivain-pirate et bourlingueur à l’autre bout du monde, Henry de Monfreid l’a été tardivement. Enfance et adolescence dans le sud de la France. Échec à Centrale. Vendeur, planteur, chauffeur ou entrepreneur, le natif de la Franqui exercera une dizaine de petits métiers. Jusqu’à ses 32 ans, sa vie sera plutôt rangée, avec femme et enfant. Pourtant le terrien va larguer les amarres.
Direction la Corne de l’Afrique. À Djibouti, il devient d’abord négociant en café et en cuirs avant de se consacrer à d’autres activités. Le goût de l’aventure ? L’appel du large ? L’appât du gain ? Henry décide de vivre sur un boutre. La mer Rouge n’aura plus de secrets pour lui. L’intégration est totale. Changement de nom. Conversion à l’islam.
* : « L’incroyable Henry de Monfreid » de Daniel Grandclément.
23 € - 428 pages (Grasset)
Il va dès lors mener d’incessantes croisières embarquant dans ses cales d’improbables cargaisons à la barbe des Anglais. Suite à une dénonciation pour trafic d’armes, il connaît pourtant la prison avant de poursuivre ses tribulations autour du Golfe d’Aden. Henry mènera dès lors la vie d’aventurier avec un grand «A».
Une rencontre va façonner la légende, celle avec le reporter et romancier Joseph Kessel qui enquête sur le trafic d’esclaves dans cette région du globe devenu un port militaire français stratégiquement situé.
L’écrivain-reporter à succès pousse l’aventurier à publier ses écrits. Succès immédiat avec «Les secrets de la mer rouge». Suivront 73 livres, traduits en plus de 12 langues dont le russe et le chinois. À la différence des conteurs, tout ou presque est vécu par Henry de Monfreid. Ce que certains esprits perfides ne manqueront pas d’ailleurs de lui reprocher.
Quarante ans après sa disparition, Guillaume, un de ses petits-fils, en confiant illustrations, peintures, photos et textes inédits de son aïeul nous dévoile ses journaux de bord, ses lettres, ses clichés et créations retraçant ses aventures entre 1911 et 1921. Car en parallèle à ses aventures bigarrées, l’étonnant Henry de Monfreid a photographié, peint et écrit, en artiste ivre des océans.
«À tout âge, la mer a exercé sur moi un effet magique, elle est comme un serpent qui me fascine et m'attire. J'ai grandi auprès d'elle et les sommeils de mon enfance ont été bercés du grondement de ses vagues...». Ses mots sont prémonitoires, car Henry de Monfreid n’a pas quinze ans lorsqu’il écrit ses lignes.
Il est donc évidement question de Djibouti, d’Aden ou de la mer Rouge mais également de Suez, Bombay, Madagascar, Sète ou même Brest.
Véritable hymne à la mer, ce «Beau-Livre» dévoile une facette méconnue de ce personnage haut en couleur. Un ouvrage indispensable dans la bibliothèque de tout lecteur épris (ou en manque) d’embruns et d’horizons lointains.
Stéphane DUGAST
Visuels © Arthaud & DR
> À LIRE
« Hymne à la mer » d’Henry de Monfreid. 25 € - 300 pages (Arthaud)
› UN NOUVEAU LIVRE
« De sa naissance à La Franqui jusqu’au jour où il a planté son ancre à terre, Henry de Monfreid a traversé un siècle d’aventures : l’appel de la mer, la contrebande, les rivages de la mer Rouge, les régions interdites de la Corne de l’Afrique…
Frôlant mille fois la mort, quand d’autres se seraient contentés de rêver, Henry de Monfreid a construit avec passion son destin d’exception. Dans ce journal de bord, tel un conteur oriental, il raconte d’une seule voix ses vies multiples et prodigieuses.
© Photographie d'époque d'Henry de Monfreid - Planche Moulinsart éditions
«Sa voix précise est faite pour raconter les combats contre les requins, la plongée aux perles, les poissons-fleurs, les mutilations des vaincus… toutes les aventures de ce Français qui voulut vivre une vie de hardiesse, de solitude et de liberté»
Joseph Kessel
Écrivain de l’aventure, Henry de Monfreid (1879-1974) est l’auteur de nombreux romans et nouvelles qui ont fait sa réputation dans le monde entier. Guidé par une formidable liberté d’action, il est devenu l’«homme de la mer Rouge». Mes vies d’aventures est son ultime récit, celui de toute sa vie »
› Mes vies d'aventures, l'homme de la mer rouge d’Henry de Monfreid. 441 pages- 7,90 € (Points aventures)
Commentaires
Bonjour Stéphane,
J'aime beaucoup l'écriture de Monfreid. Je lui ai rendu hommage ainsi qu'à Kessel et Deniau dans "Jeanne d'Arc - Poste 12". Il reste un aventurier exceptionnel même si dans ses différents trafics il y a certainement celui d'esclaves. J'oserais dire que ce type de trafic, qui existe toujours dans cette région, fait partie de la culture de la Corne de l'Afrique, de la Mer Rouge, du Golfe d'Aden...
C'est très bien ton blog. Je ne lis pas toujours toutes tes notes mais c'est riche et passionnant.
Bon vent Stéphane.
Amitié
Jean-Marc
Merci Jean-Marc
Un de mes amis, Joël Alessandra, s'est inspiré des tribulations en mer Rouge du "vieux pirate", cela donne une bédé de qualité
La chronique est à lire sur
http://stephanedugast.hautetfort.com/tag/joel+alessandra
Amitiés
Stéphane