L’atoll de Clipperton, une tête d’épingle perdue dans l’immensité du Pacifique. Mon premier grand reportage. Une révélation.
« Forme elliptique parfaite, parsemé de cocotiers verts et ceinturé par un lagon aux teintes turquoises, Clipperton nous dévoile ses atours. Les clichés s’annoncent somptueux. C’est pourtant avec un appareil (de secours) grand public que je mitraille. Un tout automatique bon marché. Mon boîtier reflex reste désespérément muet, définitivement grippé.
Malgré cette contrariété inexplicable, je m’applique. Le vol hélicoptère sera trop rapide du fait d’un plafond nuageux bas. Pas de vols circulaires autour de l’atoll. Rapide descente. Déjà le « plancher des vaches ». Dépose au milieu d’une nuée d’oiseaux marins.
D’emblée, la vision féerique s’estompe. Le paysage devient austère. Le sol rugueux d’aspect volcanique est peuplé de milliers d’oiseaux qui n’ont visiblement pas l’habitude d’être dérangés. Difficile en effet de les déloger et de les chasser.
Tandis que je contemple les lieux, mes compagnons marins filent rapidement vers la stèle voisine de plusieurs centaines de mètres. Penché ensuite sur mon boîtier photo capricieux, je ne vois pas la nuée d’oiseaux marins s’agglutiner autour de moi. Je lève la tête. Ahuri. Piaillements incroyables. Becs nerveux. Se frayer un passage ne va pas être aisé.
En guise de bâton, ma chemise tournoie dans les airs. Vacarme assourdissant des oiseaux marins qui semblent à chaque fois vouloir me piquer les cuisses ou me dévorer les mollets. Longue et héroïque bataille dont je suis le seul acteur. Malgré mes vociférations, les oiseaux en période de nidification ne bougent pas d’un cil. Mes aventures deviennent rocambolesques. Heureusement aucun visiteur de l’atoll ne peut voir mon manège. Tout essoufflé, j’arrive enfin à la stèle (...) »
Stéphane DUGAST
Extrait du récit CLIPPERTON, « MON » ILE MYSTERIEUSE
paru dans l’ouvrage collectif ZERAQ - LA MER SUR LE VIF (l’Elocoquent éditions)
Photographies : © Stéphane DUGAST / François BOUTRON