Lancé en 2007, le blog Embarquements cesse momentanément ses parutions.
DANS LES GLACES 2 |3
Il neige sur Brest ! En ces premiers jours du mois de décembre, un climat presque «polaire» règne sur la pointe Bretagne. De quoi raviver bien des souvenirs aux marins du Remorqueur de Haute Mer (RHM) Malabar. Six mois plus tard, le commandant raconte, avec ferveur, cette mission peu ordinaire. Là-haut, tout là-haut, «seuls les glaces et le temps sont maîtres» dit un proverbe inuit. Philippe Guéna, le pacha, et ses marins étaient prévenus…
- Commandant de goélettes, officier de manœuvre sur le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc et désormais pacha du Malabar, vous êtes un marin chevronné, comment avez-vous plus précisément préparé cette mission ?
Je vais me répéter mais c’est énormément de préparation. C’est une lecture attentive des Retex avant le départ de la mission. C’est également prendre conscience de vivre une mission rare. Il faut anticiper les dangers.
Grosso modo, l’essentiel consiste à éviter, à tout prix, la combinaison des glaces, du mauvais temps et de la mauvaise visibilité. Vous savez, le mauvais temps crée des retours de mer sur les radars si bien que parfois on ne peut pas voir les échos de la glace. Si on ne les voit pas à l’optique, on court le risque de ne rentrer en collision avec un bloc de glace à une vitesse peu adaptée.
Il faut ainsi être très attentif à la météo et aux conditions de visibilité ainsi qu’à la température de l’eau. Cette donnée est la plus pertinente pour appréhender l’apparition des glaces. Nous, on a ainsi évolué dans des eaux dont la température la plus basse était de -3,5° C.
Nous avons aussi approché les icebergs, tout en restant à distance de ces derniers pour ne pas « cabaner ». Sous ces latitudes, un marin doit toujours garder en tête que ce qu’il voit du bloc de glace émergé cache une partie immergée. On a ainsi étudié avec soin les icebergs classés selon une classification précise. Car, certains sont plus dangereux que d’autres.
Pour se faire une idée plus précise de la quantité de glaces sous l’eau, on a également utilisé le sextant afin de procéder à des calculs trigonométriques en fonction de l’angle et de la hauteur immergée pour mieux évaluer le volume total d’un iceberg.
Les plus hauts icebergs que l’on a rencontrés culminaient ainsi à 40 mètres. Quant à la plus forte concentration de glaces rencontrée, elle a été de l’ordre de 70-80%.
Pour naviguer dans telles conditions, quel(s) dispositif(s) aviez-vous mis en place à bord ?
J’avais des veilleurs. Compte tenu du spectacle proposé, je n’ai d’ailleurs eu aucun mal à trouver des volontaires ! (Rires) En passerelle navigation, nous étions concentrés et appliqués surtout concernant la surveillance des fonds même si la coque d’un RHM est étudiée pour résister à ces conditions.
Comme le dit le proverbe : « Deux précautions valent mieux qu’une ». Quant à l’avant mission, j’ai accentué l’entraînement de l’équipage sur des exercices de sécurité dont le thème principal était la voie d’eau avec déchirure de la coque.
Sur place, nous avons dû également nous adapter. Car nous avons du affronter des conditions de navigation loins d’êter optimales à cause d’une une brume persistante. A cette période de l’année et sous ces latitudes, les bans de brume sont légions.
Tout marin a en tête ce cliché de la Jeanne d’Arc navigant dans un banc de brume, pour nous ça a été l’inverse. En mer, on rencontre parfois ces phénomènes d’évaporation ou de condensation. Pour nous, en juin, la température de l’air se réchauffait tandis que la température de l’eau se maintenait d’où des bans de brume et une visibilité très mauvaise à cette période de l’année. (A SUIVRE)
Propos recueillis par Stéphane DUGAST
Photos © RHM MALABAR
Retrouvez l'intégralité du REPORTAGE paru dans COLS BLEUS, le bi-mensuel de la Marine sur CALAMEO
- Le récit des marins du Malabar
- L'édito
- & l'entretien du pacha en intégralité.