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L'APRÈS COP-21 VU D'UUMMANNAQ

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Il y a quasiment un mois, le 12 décembre dernier, 195 États parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ont dit «oui» à l’accord sur le réchauffement climatique. Accord davantage inédit qu’historique, selon les spécialistes, plusieurs interrogations demeurent notamment au regard des défis qui nous attendent, nous les terriens. Au Groenland, là-haut, tout là-haut, les échos de cette COP-21 sont une toute autre affaire, comme en témoigne les propos de Peeri, alias Pierre Auzias, artiste résident avec sa femme Annie Kerouedan, chef médecin de tout ce district de la côte occidentale du Groenland, depuis de nombreuses années.

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Ministre groenlandais des finances et des affaires minières, Vittus Qajaukitsoq a accompagné la délégation danoise en décembre dernier à l'occasion de la COP-21. Il a dès lors été un témoin privilégié des négociations qui se sont déroulées à Paris-Le Bourget.

Vittus Qajaukitsoq s’est montré déçu par l’issue finale de la COP-21, comme l'atteste ses propos dans le journal télévisé de la chaîne nationale groenlandaise KNR, ou dans le journal Sermitsiaq en date du 13 décembre 2015.

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Le Groenland ne fait pas partie des 196 pays signataires du traité mais malgré cette dispense, le ministre groenlandais des finances et des affaires minières, représentant du gouvernement, a tenu à exprimer ses frustrations.

Vittus Qajaukitsoq a ainsi expliqué que la diplomatie aurait plus tôt - et non pas plutôt - dû s’attacher à comprendre les problèmes des peuples premiers, ce qui aurait permis d’alléger le poids des contraintes.

«Les peuples premiers ont eu très peu de responsabilité sur les changements climatiques qui influencent la planète. Malgré cela les partenaires de l’accord n’ont pas mentionné qu’ils reconnaissaient les droits spécifiques des peuples premiers ainsi que cela avait été statufié dans la déclaration de l’ONU. C’est une grande déception !», s’est ainsi indigné Vittus Qajaukitsoq à la TV sur KNR.

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En parlant pour les peuples premiers qui ne doivent pas subir les même contraintes  que les nations phares, il semble que Vittus Qajaukitsoq ait oublié que le Groenland ne fait pas partie des pays signataires. Vittus Qajaukitsoq créée ainsi une sorte de confusion selon Peeri  : «La communauté internationale aurait du, dans cet accord, préciser que les peuples premiers bénéficient de droits spécifiques en vue de favoriser leur développement».

Durant les négociations de la COP-21, Vittus Qajaukitsoq a pourtant fait pression pour que le traité contienne des alinéas en faveur des peuples premiers sur leur droit mais sa demande n'a pas été retenu. Le nouveau traité reconnaît la faculté des peuples premiers à s’adapter aux changements climatiques. Ainsi de facto aucune obligation ne lie la communauté internationale envers les peuples premiers.

Untitled-4.jpgA Uummannaq, le champignon de fumée de la décharge qui pollue les eaux du lac.

 

Les commentaires de Vittus Qajaukitsoq se sont arrêtés là.

Quelques jours plus tard Aleqa Hammond, ex-prime minister, représentante du Groenland aux folketinger (NDLR :parlement danois) s'est à son tour exprimée sur le sujet. La parlementaire précisant que le Groenland devait sortir de son attitude de victime, et que son pays utilisait beaucoup d'énergies renouvelables sous forme d’énergie hydro-électrique, comme par exemple à Ilulissat et à Qaqortoq. «Le Groenland ne peut donc que se réjouir du réchauffement climatique et des nouvelles possibilités maritimes qui lui sont offertes et qui sont pour mon peuple une aubaine», a d'ailleurs précisé Aleqa Hammond.

Des propos qui n’ont pas surpris Peeri et Annie : «Originaire d’Uummannaq et fille de pêcheur-chasseur, Aleqa, que nous connaissons bien pour avoir plusieurs fois intimement échangé des propos d’ordre économique et politique, doit entendre par cette dernière réflexion, que ce serait un bien pour la pêche ce qui s’avère être le cas présent».

Autant de points de vue soulignant les antagonismes du moment au Groenland, entre tenant du «progrès-à-tout-prix», et ceux d'un développement raisonné. Peeri poursuit : «Nous comprenons donc entre les lignes que le Groenland ne pollue pas et ainsi ne souhaite pas de réduction des énergies fossiles et qu'il ne peut pas pour le moment utiliser une partie des finances publiques pour les énergies renouvelables. Par contre Vittus Qajaukitsoq veut garder intacte la possibilité des développements en cours avec la Chine et l’Inde possible. La courbe des énergies fossiles grandira alors au Groenland. Le paradoxe est total».

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Autre différence notoire, celle de la perception du réchauffement climatique. Chez les Groenlandais, et plus particulièrement des enseignants encouragés à suivre le déroulement de la COP-21, cette perception est plus diffuse, comme à Uummannaq.

Là encore, Peeri commente : «Mes relations avec les professeurs ont été décevantes. Suite à la sollicitation des amis d’Under The Pole II* à motiver les écoles à s’exprimer sur le sujet «COP ou pas COP ?» 5 professeurs danois – qui plus est - ont été contactés : 4 à Uummannaq et 1 à Saattut. 3 des 4 professeurs d'Uummannaq  m’ont trop vite rapporté que les élèves n’étaient pas intéressés. Ce qui m'a choqué et m'a motivé à me rapprocher du 4ème moins démissionnaire.

J'ai ainsi compris que les professeurs n’avaient fait aucune préparation pédagogique sur le sujet. Sur mes encouragements, le 4ème professeur, une femme, Susanne Vinther, a accepté de prodiguer une heure de cours pour expliquer aux élèves ce qu’était la COP-21, dont ils n’avaient d'ailleurs absolument pas entendu parlé. Susanne a été la seule à reconnaître que c’était une bonne idée et que ses élèves l’avait écoutée avec attention».Untitled-1.jpg«J’emploie souvent le thème de la décharge pour petit à petit faire prendre conscience aux enfants des dégâts qu’ elle cause au milieu marin lorsque celle-ci une fois pleine, le bulldozer pousse tout à la mer» (Pierre Auzias)


Cette attitude et cette perception plus diffuse s'expliquent cependant facilement. Elle est, de l'avis
des résidents au Groenland, liée au fait que la perception du réchauffement climatique n’est pas une réalité notable dans cette région du globe où les oscillations climatiques font parties de l'histoire. 

«Culturellement, on ne s’intéresse à discuter que des problèmes qui perturbent le quotidien. Tant que la pêche n’est pas touchée il n’y a pas lieu de s’inquiéter !» détaille Peeri.

Sur le terrain, des changements sont pourtant perceptibles comme par exemple les mutations concernant les ressources halieutiques. De nouvelles espèces apparaissent ainsi comme la lompe pour son caviar, la morue, le maquereau, le crabe ou le requin. Une espèce exploitée comme nourriture pour les chiens et de plus en plus ciblée à but commercial.

Certains pêcheurs locaux souhaitant vendre les ailerons aux chinois lorsque ces derniers viendront s’installer au Groenland.

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Quant à la banquise - la «nouvelle glace», s'est installée cet hiver dans la baie d’Uummannaq dès l’ouverture de la COP-21 à Paris. Au même moment, une nouvelle fabrique de poisson était en cours de construction dans le port. Nombre de pêcheurs se sont remis en quête de nouveaux chiens pour du coup économiser leur scooter.

Autres changements perceptibles, les problèmes de santé provoqués par une forte pollution locale. Des problèmes régulièrement évoqués auprès des autorités, lors de réunions locales, et désormais sur facebook comme avec cette demande de prise en considération pour une protection de leur environnement afin de réduire la pollution locale.

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La décharge d’Ikerasak.


Car, à Uummannaq et dans ses 7 villages, toutes les ordures sont, depuis l’origine de ces localités, brûlées à l’air libre. La dispersion des fumées et cendres sur les eaux d'alimentation du lac d’Uummannaq contenant des métaux lourds et différents types de dioxine semble augmenter, comme l'atteste Peeri : «Nous sommes en possession des résultats alarmants  d’épreuves que nous avons nous même effectuées en 2012 avec des scientifiques français de passage et envoyées dans des laboratoires d’analyse français. Nous n’avons eu aucune réponse des autorités, ni de quiconque de nos relations sur ce sujet qui nous semble désormais être tabou sur le plan communal».

A des milliers de kilomètres de Paris, et plus d'un mois après la COP-21, nul doute que les effets du réchauffement climatique, ou de ses dérèglements, se vivent différemment selon la latitude à laquelle on habite. Là-haut, tout là-haut, à des latitudes proches du cercle polaire, les Inuits (que l'on appelaient jadis les «eskimos») s'adaptent aux aléas climatiques comme l'on d'ailleurs fait leurs glorieux aïeux durant au moins 2 millénaires.

 

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Sources : KNR, Sermitsiaq, remarques de terrains, commentaires personnels de Peeri discutés avec Annie, son épouse.

Photographies © Pierre Auzias dit Peeri

 

 

* : Under The Pole II, expédition française initiée et dirigée par Manu Perrié et Ghislain Bardout ayant consisté à explorer, durant 14 mois, entre le cercle polaire et le nord du Groenland, la banquise côtière, celle du large, les icebergs géants, le front des glaciers, les fjords englacés, via notamment des plongées depuis la surface jusqu’aux plus grandes profondeurs jamais atteintes par l'homme sans scaphandre (-111 mètres).

 

Commentaires

  • Merci Stephane pour ton initiative quant à cet échange qui nous espérons apportera un peu de la réalité de notre quotidien aux nombreux lecteurs de ton blog. Annie et Pierre.

  • C'est moi qui vous remercie Annie et Pierre
    J'ai eu des échos intéressants de votre post qui a le mérite d'éclairer autrement l'après COP-21 et sa perception évidemment différente de chez nous les Européens.
    J'aime à publier des nouvelles d'Uummmannaq en attendant enfin d'y aller prochainement Amitiés fidèles Stéphane

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