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FORTUNE FURTIVE 1|4 [BEST-OF]

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Selon le bureau maritime international, la piraterie est au premier semestre 2016 à son niveau le plus bas dans le monde. Afin de lutter contre ce fléau dans l’océan Indien, l’Union Européenne a lancé en 2009 l'opération EUNAVFOR/Atalante. Une mission à laquelle la frégate Aconit avait d'emblée participé activement dans le Golfe d’Aden pendant la mousson. Récit d'un embarquement insolite pour Stéphane Dugast décliné en 4 épisodes.

 

Branle-bas de combat au Central Opérations (CO). Six heures moins vingt. C’est l’effervescence depuis un appel de détresse matinal au message très sibyllin. Un boutre yéménite est en perdition. «Moteur en panne et voie d’eau à bord» a annoncé son capitaine aux marins français sur la VHF 16.

«A bord de ce bateau, c’est visiblement la panique», analyse à chaud Rémy B., l’officier chef de quart opérations pendant le «quatre à huit». (NDLR : quart de 4 heures à 8 heures). D’après les autres bribes de la communication parvenues à bord, l’équipage souhaiterait même d’ores et déjà quitter le boutre. «A confirmer...», annonce sèchement l’officier de quart filant briefer son pacha monté dard-dard au Central Opérations.

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Conciliabules inaudibles et premières décisions du capitaine de vaisseau, Guillaume G. commandant l’Aconit. Le programme des activités du jour est logiquement bouleversé. La frégate française se déroute sur zone et abandonne temporairement sa patrouille. «Logique, c’est nous qui sommes les plus prêts», jauge le pacha. Bientôt sept heures.

Décollage de l’aéronef embarqué imminent. Sur le pont d’envol, les équipes aviation sont déjà à pied d’œuvre afin de faire décoller l'hélicoptère Panther dans les plus brefs délais tandis que les pilotes sont rapidement briefés sur les tenants et les aboutissants de la mission. Quant aux équipes de mise à l’eau d’embarcations, elles sont, quant à elles, également sur le qui-vive. Au cas ou… Il est désormais sept heures tapantes. Le jour se lève. Il est sept heures. Les marins de l’Aconit n’ont jamais sommeil.

 
 

IMG_2787 copie.jpgMatin brumeux au milieu du Golfe d’Aden. Sept heures passées de 30 minutes. L’horizon est désespérément vide depuis la passerelle de la frégate immatriculée F713. A l’inverse, l’écho du boutre en perdition est clairement identifié sur les écrans radars du Central Opérations (CO).

Le calme qui y règne est néanmoins olympien. Ailleurs, les spéculations vont bon train. Bateau-pirate ? Embarcation leurre pour piéger les marins militaires français ? Bâtiment chargé d’immigrants clandestins ? Simple bateau de pêche ? Tous les scénarios sont envisagés quand de nouvelles bribes d’informations parviennent jusqu’à la frégate grâce au vol de reconnaissance du Panther.

Le boutre a désormais un nom : Al Tarek. C’est un bateau de transport aux dimensions modestes battant pavillon indien. Treize marins à bord. Des indiens, dont le capitaine, des somaliens et des yéménites. «Ce bateau n’est pas classifié suspect en terme de piraterie » annonce les marins du bord spécialistes du renseignement après consultation de leur base de données. De leur côté, les pilotes de l’aéronef poursuivent prudemment leur survol. Quant à la cargaison du boutre, elle va étonner plus d’un marin. Al Tarek transporte des chèvres.

Al_Tarek (23) copie.jpg«Plus de 2300 !» précisera d’emblée son capitaine indien. Une conversation sur la VHF 16 menée en langue arabe permet d’en savoir plus. En transit entre le port de Bosasso, situé au nord de la Somalie, et Al Mukalla au Yémen, Al Tarek fait face à une avarie de ses machines. Ses réservoirs sont quasiment à sec. Les côtes éloignées. A plus de 60 nautiques (NDLR : 140 km).

Les conditions météorologiques sévissant sur place font paniquer l’équipage. Sur l’Aconit, on est plus rationnel. Rapide analyse de la menace piraterie. A bord du Al Tarek, a priori aucune arme, ni grappins ou échelles pour aborder un autre navire mais des marins excités à la vue d’un hélicoptère de l’aéronautique navale française.

Confirmations du pilote à la radio. «Ils veulent tous quitter le bord. Ils sont tous sur le pont pour nous faire signe de les embarquer». Après discussion avec son état-major, le «pacha» (NDLR : surnom du commandant à bord des bateaux gris) tranche: «J’envoie le plongeur pour investiguer les machines et analyser la situation».

Dans quelques minutes, le boutre devrait être visible à l’œil nu depuis la frégate furtive. En attendant, l’opération de search and rescue (NDLR: recherche et sauvetage) est définitivement lancée, solidarité des gens de mer oblige... (A SUIVRE)

Stéphane DUGAST

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cols_bleus_n_2921_medium2.jpgREPORTAGE CHASSE AUX PIRATES
FORTUNE FURTIVE
Episode 1|4

Reportage extrait paru dans COLS BLEUS N°2921, le magazine de la Marine nationale.

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