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DU FINISTÈRE À LA BANQUISE

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Une toute, toute petite poignée de français réside au Groenland. On y trouve une médecin, un artiste, une fermière, tous tombés sous le charme de l'île de glace. Il en est un, originaire du Finistère, devenu par amour du pays et par amour tout court, chasseur parmi les chasseurs, groenlandais parmi les groenlandais. Récit des aventures sur la banquise de Julien Caquineau et de ses chiens.

[Embts] : Julien, comment passe t-on du Finistère au Groenland ?

[JC] : J'étais base-jumper lorsque je suis arrivé ici il y a 12 ans pour escalader les plus gros icebergs au monde et descendre en parachute. Quatre ans plus tard, je suis revenu avec le désir fou de retrouver ceux qui étaient déjà devenus mes amis.

Je ne suis jamais reparti ! C’est assez difficile à expliquer mais, lorsque j’ai posé le pied pour la première fois au Groenland, j'ai été envahi d'un sentiment profond de bien-être, comme si je rentrais à la maison après un périple de plusieurs années…

Puis, comme tout le monde, j’ai été ébloui par les paysages et les lumières à couper le souffle, la “coolitude” et la gentillesse quotidienne des gens. Je me suis installé ici, naturellement et simplement, s’en m’en rendre compte.

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[Embts] : Vous vivez ici à Ilulissat, sur la côte ouest du Groenland au pied de cet incroyable isfjord encombré d'icebergs gigantesques. De quoi est fait votre quotidien ?

[JC] : Petit à petit, j'ai appris la langue grâce aux gens autour de moi… et aussi grâce à Charlotte native de Ilulissat, qui est devenue ma femme. Nous avons maintenant trois enfants, Ullioriaq ma fille de 6 ans et ses deux petits frères Nanuaraq et Aputsiaq.

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Je suis devenu « piniartoq », c'est à dire chasseur, grâce à Niels mon père adoptif groenlandais. Je chasse le phoque, le caribou, le narval et le béluga, le petit rorqual commun, le morse, En été je chasse en bateau et d’octobre à mai je travaille avec mes chiens de traîneau. Je revends la viande aux écoles et garderies qui sont mon principal réseau de distribution. Je travaille aussi sur des bateaux de pêche en été lorsque les périodes de chasse sont creuses, ou pour renflouer les caisses si la chasse n’a pas été bonne. L’hiver je pêche sur la glace, principalement pour nourrir mes chiens.

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[Embts] : Vous avez donc votre propre attelage de chiens de traîneau?

[JC] : j’ai 20 chiens en tout, que j'ai élevé seul en apprenant le savoir faire de mes collègues chasseurs. Tous mes chiens sont de la race Groenlandaise, la seule race présente et autorisée au nord du cercle polaire au Groenland. Cette race a été importée en France par Paul-Émile Victor. Je passe 8 mois par an sur la banquise avec mes chiens. Ils travaillent dur et la relation avec eux est très puissante.

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[Embts] : Aujourd'hui, vous revenez tout juste d'une expédition en traîneau que vous avez conduite de Ilulissat jusqu'à Uummannaq et retour.

[JC] : Nous rentrons de ce périple de plus de 1000 km avec les chiens en empruntant une route de banquise et de traversée de montagnes ! Je voulais refaire cette route qui n'avait pas été emprunté depuis 22 ans du fait du changement climatique. Je suis parti avec mon ami Steen Gabrielsen, un autre chasseur d'Oqaatsut et un client français, car je suis aussi guide pour les touristes. Un beau voyage avec quelques journées folles de 14 heures passées a crapahuter avec les chiens , de la neige jusqu'aux genoux. Il nous aura fallu parfois atteler les 2 attelages sur un seul traîneau pour pouvoir faire passer le chargement dans les côtes.

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[Embts] : Un voyage éprouvant pour les hommes et pour les chiens même pour un chasseur expérimenté comme vous ?

[JC] : Si l'aller s'est passé sans encombre malgré un effort physique important pour nous et les chiens, le retour a été vraiment rude. Nous avons essuyé une sérieuse tempête, les conditions météo ne pouvaient plus permettre de faire la route de retour avec notre client, qui a du repartir en hélico.

Heureusement, car les 3 derniers jours de ce voyage se sont transformé en enfer, et l'on se demande bien comment nous sommes toujours en vie après le blizzard et une visibilité d'un petit mètre. La progression est devenue très lente, il fallait évoluer sur une banquise instable et molle, que l'on voyait onduler sous les pas des chiens. Je me suis retrouvé avec 4 chiens et une partie de mon traîneau dans l'eau...

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[Embts] : de retour à la maison, quel est le bilan de cette aventure ?

[JC] : C'est une sensation étrange que d'avoir ré-ouvert cette route qui n'avait pas été empruntée depuis 22 ans, c'est un beau résultat.

Mais cette année, la glace de banquise est restée longtemps incertaine et s'est formée très tard. Je dois dire que sans Steen Gabrielsen et son expérience de la banquise, je ne serai peut-être pas là aujourd'hui à côté de mes enfants pour en parler !

Les chiens vont bien et n'ont eu aucun problème, ni blessure, pendant ces 20 jours. Ils ont vraiment été au top et sans stress, pendant les moment difficiles et intenses. Qimmit Kalaallit ! (les chiens du Groenland !)

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Depuis ce récit, la banquise s'est ouverte… juste sous l'abri de pêche de Julien ! Aux dires de notre chasseur groenlando-breton, c'est le genre de péripéties qui arrive fréquemment ici à Ilulissat. L'aventure au quotidien, que Julien propose de partager avec sa structure Iperaataq (http://www.iperaataq.com/).

Propos recueillis par Dominique Simonneau
Crédit photo : Julien Caquineau

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