Lancé en 2007, le blog Embarquements cesse momentanément ses parutions.
MARIE-HELENE FRAÏSSE : LA RENCONTRE #3
L’Eldorado polaire de Martin Frobisher est paru ce printemps. Entretien avec son auteure : Marie-Hélène Fraïssé qui vient d'ailleurs de raccrocher le micro de son émission fétiche hebdomadaire Tout Un Monde diffusé sur France-Culture. L’occasion d’un long entretien en forme de confidences accordé au blog Embarquements.
(LIRE L’EPISODE PRECEDENT) - Marie-Hélène, vous parlez de vos propres voyages, comme des grands voyages découvertes du passé, comme une suite de rencontres.
- Le terme «découverte» est terriblement européo-centré et cette vision nous poursuit encore. La rencontre ce n'est pas la découverte. Si on remplaçait le mot découverte par le mot rencontre dans les livres d'histoire et dans les relations de voyages, une grande partie des rapports humains en seraient modifiés.
Les européens voyageurs du passé arrivent dans des terres inconnues d’eux mais pourtant peuplées. Il ne s’agit pas de la découverte d’un peuple, mais de deux entités qui se rencontrent.
Comme le dit Georges Perrec, on n’a jamais entendu les peuples autochtones s’écrier «Hé, les gars, on nous a découverts !».
On a des témoignages partout dans le monde, souvent issus de la tradition orale, de la perception de ces peuples autochtones lors de l’arrivée des européens «sur des îles flottantes».
- Comment introduire cette vision dans notre éducation si européo-entrée ?
- C’est tout un chantier passionnant qui commence à peine. Une vivante et jeune école historique s’intéresse à cette histoire plurielle, partagée.
De grands historiens vont maintenant à la rencontre des traditions orales dans les archives, comme Richard White auteur du Middle Ground ou encore Sanjay Subrahmanyan professeur au collège de France qui réécrit l’histoire de l’Inde du point de vue indien lors de l’arrivée de Vasco de Gama.
De jeunes chercheurs issus des peuples premiers commencent également à s’intégrer à cette nouvelle vision de l’histoire. Je me réjouis vraiment de cette nouvelle école, tant j’avais ressenti ce besoin depuis longtemps sur le terrain de mes voyages.
Si l’on veut bâtir une société mondialisée équitable, il faut absolument se déplacer vers le regard de l’autre.
Lorsqu’on écoute l’histoire de Navajos racontés par eux-mêmes, on élargit notre perception européenne, surplombante, insupportable, qui a conduit aux pires excès du colonialisme » (A SUIVRE)
Propos recueillis par Dominique Simmoneau
Photographies © DR