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PORTRAIT : MAURICE THINEY, LA NOBLESSE DE L’AVENTURE

A l'occasion du récent Festival Les Écrans de l'aventure de Dijon, Stéphane Dugast a projeté son dernier documentaire dédié à Maurice Thiney, explorateur et triathlète à bientôt 76 ans. En prime, il a aussi écrit sur son personnage, également membre de la Société des Explorateurs, et sur les coulisses de leur film.
Impossible de rater Maurice Thiney pendant les écrans de l’aventure de Dijon ! A chaque édition, il est là dans les couloirs du cinéma Olympia à alpaguer le chaland ou à apostropher des explorateurs.
Impossible non plus de perdre une miette de ses dernières pérégrinations dans les confins de la Chine, du Tadjikistan ou du Danakil. Car Maurice parle fort mais il est sans nul doute un incroyable conteur.
D’emblée, on perçoit chez lui l’innocence d’un Tintin, la curiosité d’un héros de Jules Verne ou encore le besoin de séduction d’un Paul-Émile Victor.
C’est toujours devant un public que ce Dijonnais très volubile est le plus à l’aise à raconter ce qu’il appelle ses « expéditions », quitte à parfois se noyer dans les détails ou à forcer le trait.
Une telle gouaille et une telle naïveté peuvent d’ailleurs vite paraitre suspectes, voire faire naitre des moqueries chez ceux toujours prompts à exécuter un homme qui n’a fréquenté ni les beaux quartiers, ni les bancs de la Sorbonne. Car, Maurice est, en effet, un pur autodidacte de l’aventure, milieu dans lequel il s’est lancé à corps perdu à 45 ans après une carrière dans l’armée de l’Air.
Depuis 30 ans, Maurice Thiney parcourt ainsi la planète à la rencontre des tribus les plus reculées. Sa force ? Voyager simplement, presque à l’instinct, sans GPS, ni Internet, en prenant tout simplement le temps de vivre avec les gens. Une forme d’ascétisme du voyage pour aller à l’essentiel.
Maurice est aussi un athlète accompli qui continue de pratiquer malgré l’âge de ses artère un sport exigeant : le triathlon.
C’est cette fureur de vivre que j'ai eu envie de raconter dans un documentaire en liant les deux pans de sa vie : les voyages-explorations et le sport. Un pari invraisemblable sur le papier. D’ailleurs, aucun producteur, ni aucune chaîne de télévision ne s’est hasardé à parier un kopek sur ce projet atypique.
Alors j’ai écrit mon film et j’ai pensé à mes séquences dans les moindres détails. J’ai sollicité Maurice et ses amis. J’ai appelé Erwan, un ami et chef opérateur chevronné.
Nous sommes ensuite partis tous les deux tourner chez Maurice sa vie et ses coulisses. Nous l’avons aussi suivi, pas à pas, lors de ses derniers championnats du monde à Rotterdam.
Je me suis également plongé dans ses archives, soit moult boites de photos argentiques ou de cassettes béta savamment numérotées. J’ai gagné la confiance de Christine, son épouse à la ville et durant pratiquement toutes ses « expéditions ». Une complice dévouée et attentive qui par choix a décidé de rester dans l’ombre.
Au fil de 52 minutes se révèle ainsi l’étonnant destin d’un explorateur qui ne dépend d’aucune institution, d’aucun sponsor, d’aucun mécène, ni d’aucun média. Une rareté dansle paysage actuel si formaté du monde de l’aventure et du voyage, faisant dire à son ami explorateur et philosophe Patrice Franceschi : « Maurice, c’est un cas à part, très particulier, un peu amusant mais surtout étonnant ».
Depuis ce tournage plein d’imprévus, Maurice Thiney a continué d’arpenter la planète pour prendre le pouls à sa façon des peuples oubliées.
Là est sûrement la force de sa philosophie, celle de continuer inlassablement ses bourlingues pour vivre pleinement « la noblesse de l’aventure » sans l’once d’un cynisme ou d’une méchanceté. Maurice parle fort et alors ?
Stéphane DUGAST
Photographies © Agence Zeppelin / collection Maurice Thiney