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banquise - Page 2

  • UN HIVER À UUMMANNAQ

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    Pierre Auzias (dit «Peeri») vit à Uummannaq, un petit village de la côte occidentale du Groenland. Chronique d’un quotidien peu ordinaire. Ces derniers temps, la météo capricieuse inquiète ses habitants.

    LIRE SA PRÉCÉDENTE CHRONIQUE « Le Général Hiver qui survola notre île d'Uummannaq fin novembre a dû repartir bien vite en campagne vers d'autres conquêtes...

    29 Janvier 2014, le thermomètre affiche 0 degré Celsius. Les vents forts de sud, assimilables à des coups de Föhen à rallonge, persistent. Des vents quasi quotidiens depuis l'automne dernier…

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    Quant aux températures et à leurs courbes, elles sont similaires à celles de 2005, année durant laquelle la banquise n’est jamais parvenue pas à se former.

    Ici, nous aimons à penser que nos chiens devenus sages aiment à philosopher quand la banquise, leur terrain de jeu de prédilection l’hiver, ne se forme pas. Qui sait ?

    Plutôt que leur sortie de saison sur la banquise, les chiens doivent ainsi se contenter pour le moment des longues conversations de leurs propriétaires. Heureusement, ces discussions sont pour eux agrémentées par nos caresses réconfortantes.

    La banquise n’est pas là. Pourtant l'eau est froide. D’ailleurs, dans les rares heures de calme plat, la glace se forme. Ainsi, il suffirait de 15 jours pour obtenir les 20 à 30 centimètres nécessaires à la formation d’une banquise ″praticable″. Ce qui nous permettrait au moins d'aller poser nos lignes par 500 mètres de fond. Nous pourrions enfin ramener ce flétan qui manque tant à notre équilibre et à celui des chiens.

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    Timbre signé Peeri commandé par Tele Post Greenland à l’occasion du Jubilé
    des 250 ans d’Uummannaq en Juiilet 2013

    Pour le moment, l'énorme pack-ice (NDLR : banquise non praticable) qui ceinture les environs de l'île, n'autorise que les trawlers (NDLR : un bateau de pêche à fort tonnage correspondant littéralement à un bateau de pêche arrière) à sortir sporadiquement. Les petits pêcheurs en yoles (Jolles fiskere) sont, quant à eux, obligés de rester à terre, ce qui risque de devenir dramatique si cette météo perdurait. 

    En revanche, les précipitations neigeuses se sont accrues, descendant du Nord entre des coups de Föhen venant du Sud.

    Tout est ainsi blanc, doux et caressant à l'œil avec les lumières rosées qui annoncent le retour du soleil dans 6 jours, le 4 Février.

    Le ski sur le lac est donc l'unique sport de plein air possible permettant à chacun de maintenir une forme athlétique. Les chiens y sont interdits hélas pour ne pas souiller la neige et la glace que nous boirons au printemps.

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    Ma compagne Annie -  Nakorssaanguaq, la «petite doctoresse» comme la nomment ses patients (Cf ci-contre) - elle est partie hier à Qaarsut à dix milles dans le Nord d'Uummannaq sur le rivage Est de la péninsule de Nuussuuaq pour effectuer sa visite semestrielle.

    Là-bas, elle consulte plus de 30 personnes par jour, de 8 heures le matin jusqu' à 20 heures le soir. Ce sont plus que de simples visites médicales. Annie effectuant à nombre de ses patients frottis, vaccinations et prises de sang. Chaque soir, Annie me fait part du mal principal. Les gens s’inquiètent. Tous ici aussi s'angoissent de ne voir la banquise se former que pour une petite semaine seulement- comme ce fut le cas en 2013… »

    Pierre Auzias dit «Peeri»

     

  • L'ÉNIGME DU LATHAM 47

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    Juin 1928, un Latham 47 décolle de Norvège à destination du pôle Nord à la recherche du dirigeable Italia, commandé par Umberto Nobile, disparu au pôle Nord. À bord de l’hydravion français : six aventuriers-secouristes dont un explorateur norvégien illustre et un marin d’Etat.

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    Tout a pourtant bien démarré pour l’expédition du général italien Umberto Nobile. Décollage de son ballon-dirigeable Italia de Milan le 15 avril 1928. Après une traversée des Alpes, de l'Autriche, de la Tchécoslovaquie, de l'Allemagne et de la Suède, l'aéronef parvient sans encombre dans les îles Svalbard (Spitzberg pour nous les Français).

    Le 23 mai 1928, le ballon-dirigeable des italiens décolle pour le pôle Nord. Dans l'impossibilité d'atterrir comme prévu en raison des mauvaises conditions climatiques, Umberto Nobile décide de rebrousser chemin mais se fait surprendre dans une violente tempête causant la chute de son ballon dirigeable.

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    Appelé à participer aux recherches de l’Italia d'Umberto Nobile, le capitaine de corvette René Guilbaud décolle le 18 juin 1928 des îles Svalbard. À bord de son  Latham 47, lui et trois équipiers français ainsi que deux norvégiens, dont l’illustre explorateur Roald Amundsen.

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    Officier dans la Marine depuis 1911, René Guilbaud est un pilote d’hydravion chevronné.  En 1926, il a même tenté une liaison en hydravion France-Madagascar. S’il a finalement échoué, il parviendra toutefois à rentrer en France après un vol retour fort romanesque.  Au terme de 22 000 kilomètres, effectués en 38 étapes et 240 heures de vol, il rentre en France où il sera accueilli comme un héros.

    C’est fort de sa célébrité nouvelle que l’officier de Marine natif de Vendée reçoit l'ordre de se porter au secours du dirigeable de Nobile disparu au pôle Nord.

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    Quant à l’accident de l’Italia, il est rocambolesque. Lors de l’impact du ballon dirigeable contre la glace, dix hommes, parmi lesquels Nobile, sont projetés au sol tandis que l’aéronef reprend de la hauteur emportant avec lui les autres membres de l'équipage.

    Sonnés mais sains et saufs, les explorateurs échoués sur la glace vont finalement être chanceux, car du matériel est tombé lors de l'impact de la nacelle contre la banquise. Ces rescapés disposent ainsi miraculeusement de nourriture, d’une radio et d’une tente rouge, qui va leur permettre de survivre sept semaines durant.

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    Quelques semaines plus tard, les secours arriveront grâce à un petit avion suédois. Umberto Nobile sera sauvé le premier. Quand le pilote suédois viendra chercher les autres «naufragés», l’avion s'écrase contre la banquise, laissant le pilote à son tour prisonnier des glaces en compagnie des rescapés de l’Italia. Des membres d’expédition, restés dans le ballon dirigeable, on ne trouvera aucune trace.  

    Quant à Umberto Nobile, il sera accusé d'avoir abandonné ses hommes et contraint de démissionner. En froid avec Italo Balbo, «son» ministre de l'aviation et hiérarque fasciste du gouvernement de Benito Mussolini, le général Nobile est même conspué.

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    L'aviateur et explorateur italien trouve finalement refuge en Union Soviétique, œuvrant au programme soviétique de construction de dirigeables avant de s’installer aux Etats-Unis en 1936. Ce n’est qu’en 1943 qu’il retournera dans sa mère-patrie avant d’être blanchi après-guerre.

    L’épopée de l’Italia aura ainsi coûté la vie de sept personnes de l'équipage du ballon-dirigeable ainsi que celle de l’équipage de l’hydravion Latham 47. De l'aéronef français et de son équipage, on ne découvrira, quelques mois plus tard, que des débris et ceux d'un radeau de fortune en mer de Barents.

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    Quant à l’officier de Marine René Guilbaud (1892-1928), il ne demeure aujourd’hui que de rares traces dont une rue de Paris portant son nom depuis 1939, un monument érigé à sa mémoire dans son village natal à Mouchamps en Vendée ainsi qu’un autre monument inauguré en 1931 à la mémoire de l'équipage du Latham à Caudebec-en-Caux en haute normandie et un quai, sis au bord de Seine, dans la commune éponyme.

    L’énigme du Latham 47 demeure donc entière… (SD)

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  • RÊVES DE GLACE 2|4

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    De prime abord, l’idée parait saugrenue. Remorquer des icebergs et les exploiter afin de produire de l’eau douce, c’est pourtant l’obsession de l’ingénieur français Georges Mougin depuis plus de quatre décennies. Retour sur la genèse de ce projet.

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    LIRE L'ÉPISODE PRÉCÉDENT Avec le concours de l’explorateur Paul- Emile Victor (1907-1995), l’ingénieur français Georges Mougin œuvre au transport des icebergs dès 1975. Leur client : fils aîné du roi Fayçal d’Arabie Saoudite

    Premier obstacle pourtant, la profondeur des eaux attenantes à l’Arabie Saoudite comme le confirme l’ingénieur : « A  l’entrée de la mer Rouge, les fonds du détroit de Babel-Mandel sont établis à 80 mètres de fond. Or, un iceberg issu d’un tabulaire dans l’Antarctique, c’est 200 mètres de tirant d’eau. Même problème plus à l’Est, dans le détroit d’Ormuz aux eaux seulement profondes de  40 mètres. Il nous faudra donc exploiter les icebergs en haute mer ».

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    « Il s’agit d’exploiter les icebergs qui dérivent naturellement et sont voués à fondre et à se perdre dans l’eau salée des océans.
    Il faut tirer parti des courants et des vents porteurs pour remorquer les icebergs. C’est indéniablement une ressource pour l’avenir de l’Homme »
    Georges Mougin

     

    Autant de difficultés techniques qui ne décourage pourtant pas Georges Mougin et son équipe parvenant finalement à établir l’équation de la dérive de l’iceberg grâce à des balises Argos plantées sur des icebergs, les satellites à des fins civiles n’existant pas à cette époque.

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    Préoccupations différentes du prince al-Fayçal, difficultés techniques insolvables à l’époque comme les points d’ancrages des icebergs pour le remorquage, inconnues scientifiques comme le comportement des océans qui ne sera réellement appréhendé qu’à l’orée des années 2000 grâce aux satellites d’océanographie civiles tout comme lat.hautetfort.com/archive/2013 topographie sous-marine accessible au mode civil après la guerre froide… Le projet de transport d’icebergs va finalement tomber à l’eau au début des années 1980.

    Si Georges Mougin rebondira ailleurs et multipliera les missions à l’étranger, le Malouin d’origine ne renoncera jamais à cette « idée utile à l’Homme » de son propre aveu.  (À SUIVRE)

    Stéphane DUGAST
    Images © IceDream


    > EN SAVOIR PLUS

    La plate-forme d’expériences 3D pour relever le défi du projet IceDream imaginé par Georges Mougin

  • RÊVES DE GLACE 1|4

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    De prime abord, l’idée parait saugrenue. Remorquer des icebergs et les exploiter afin de produire de l’eau douce, c’est pourtant l’obsession de l’ingénieur français Georges Mougin depuis plus de quatre décennies. Retour sur la génèse de ce projet.

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    1947, Georges Mougin coordonne avec le concours d'un architecte naval danois les travaux de transformation d'un navire issu des surplus de la Marine américaine qui sera transformé en bateau polaire au profit des Expéditions Polaires Françaises (EPF), initiées par un dénommé Paul-Emile Victor. Les deux hommes nouent une solide amitié tout en vaquant chacun par la suite à leurs occupations.  

    1975, Georges Mougin est contacté par l’explorateur polaire français lui-même consulté par le fils aîné du roi Fayçal d’Arabie Saoudite, en charge de trouver de nouvelles potentialités pour son pays.

    Alors président directeur général de la Salin Water Conversion Corporation d’Arabie Saoudite, le prince Mohamed al-Fayçal dispose d’un budget pharamineux.

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    Conscient des inconvénients du dessalement de l’eau de mer et du potentiel en eau douce des icebergs, il a contacté Paul-Émile Victor qui va à son tour contacter un « spécialiste » : Georges Mougin.

    « Ça a fait tilt chez Paul-Émile, qui s’est souvenu de nos discussions et de mes études sur les icebergs. Je suis ainsi rentré en rapport avec le prince Mohamed », se souvient l’intéressé. 

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    Ainsi naîtra la société Iceberg Transport International, financée par le prince en vue d’étudier la faisabilité du transfert d’icebergs vers l’Arabie.

    Fort de la manne princière, les études sont lancées. La zone de sélection des icebergs est vite repérée. Pour acheminer un iceberg dans l’océan Indien, il faut le prendre au Sud de l’Atlantique, car la dérive naturelle l’emmène vers l’Est. Le projet est en marche... (À SUIVRE) 

    Stéphane DUGAST
    Images © IceDream



  • LA PASSION DES GLACES

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     OCEAN ARCTIQUE (RUSSIE)

    Banquise à perte de vue, lumière tamisée et soleil bas au-dessus de l'horizon. La montre affiche pourtant 16 heures tapantes.

    Juste devant nous s'étend l'océan Arctique glacial. Derrière, la terre la plus septentrionale en Sibérie. Hormis quelques bidons d'essence et une cabane enfouis dans l'épaisse couche de neige, rien ne distingue la terre de l'océan gelé.

    Grand départ pour Frédéric Chamard-Boudet. Son rêve ? Devenir le premier Français à atteindre le pôle Nord en solitaire et sans ravitaillement.

    Sa quête sera brisée nette dès le deuxième jour de son expédition. La faute à une banquise devenue fragile. Il chutera dans une eau à -2°C. La température de l'air oscillant jusqu'à -30°C et ne disposant d’aucune source de chaleur, le marin des glaces attendra dans des conditions extrêmes pendant trois jours ses sauveteurs.

    Six ans plus tard, le marin d’Etat (devenu entre-temps officier de Marine marchande) est toujours autant passionné par les pôles. Il envisage une prochaine expédition en Antarctique au moyen d’un moyen de locomotion insolite : un chars à voile adapté à la glace. Le site de son expédition : www.odyssee-antarctique.fr/

    Stéphane DUGAST
    Photographie © Stéphane DUGAST

  • DANS LES GLACES 3 |3

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    Il neige sur Brest ! En ces premiers jours du mois de décembre, un climat presque «polaire» règne sur la pointe Bretagne. De quoi raviver bien des souvenirs aux marins du Remorqueur de Haute Mer (RHM) Malabar. Six mois plus tard, le commandant raconte, avec ferveur, cette mission peu ordinaire. Là-haut, tout là-haut, «seuls les glaces et le temps sont maîtres» dit un proverbe inuit. Philippe Guéna, le pacha, et ses marins étaient prévenus…

    De glorieux anciens, comme le commandant Charcot (1867-1936), se sont illustrés dans cette région du globe. Vous vous êtes vous imprégnés de ses récits ?

    D’abord, je suis un marin chanceux puisque j’ai eu la chance à plusieurs reprises de mener de naviguer dans le grand Nord. Une première fois avec la goélette Belle Poule en 2000, une autre fois avec le bâtiment hydrographique Beautemps-Beaupré ou plus récemment avec la goélette L’Etoile au large de l’Islande.

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    Je suis donc un marin privilégie qui forcément s’est imprégné de ces récits maritimes. Les épopées polaires de Charcot forcent le respect et vous donne l’envie de naviguer là-haut. Vous savez, le marin est un animal rêveur. C’est ce genre de lectures qui l’imprègne et lui donnent de l’allant.

     
    Comment votre équipage a-t-il ressenti et vécu cette mission ?

    Nous avons vécu une expérience unique. Tous, nous avons eu des yeux émerveillés. Nos visages radieux sur les photos l’attestent. A notre retour à Brest, nos proches ou nos amis se sont montrés plus empressés qu’à l’accoutumée d’en savoir plus. Autre preuve manifeste de l’originalité de cette mission, la fréquentation de à notre blog.

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    Notre blog a eu, me semble-t’il, un écho plus large que le public d’initiés habituel compte tenu des commentaires laissés. Beaucoup d’Internautes, sans réel lien avec la Marine, ont communiqué avec nous.

    Je pense que ce « périple nordique » a suscité l’adhésion et fait rêver bon nombre de terriens plus habitués aux néons des bureaux qu’au grand large et à la glace. J’en suis d’autant plus ravi que cette mission a également prouvé que les Remorqueurs de Haute Mer sont des bâtiments, malgré leur ancienneté, encore adaptés et vaillants dans les glaces !
    De surcroît, mes marins ont su démontrer leur savoir-faire. Enfin en matière de coopérations, les échanges avec nos homologues danois, habitués à naviguer encore plus au nord que nous, ont été fructueux. Ils nous ont racontés leurs missions dont un récent sauvetage. Une fortune de mer qui aurait pu s’avérer catastrophique.

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    Quels souvenirs gardez-vous en tête de cette mission ?

    Ils sont nombreux, trop nombreux. C’est un privilège rare de naviguer au milieu des glaces, à la vue d’icebergs majestueux ou de la banquise. En terme de dépaysement, on a été servi !

    De surcroît, cette mission s’est avérée fort utile. En terme d’hydrographie, la zone est loin d’être identifiée. Nos navigations ont ainsi permis de dresser des constats sur place qui pourront s’avérer par la suite profitable à d’autres.

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    Avec le réchauffement climatique, l’ouverture du passage du nord-ouest, les ressources énergétiques encore enfouies, l’Arctique va être au cœur d’enjeux futurs à la fois géopolitiques, économiques, écologiques et diplomatiques.

    La présence du Malabar, battant pavillon tricolore, a montré que la France pouvait être présent dans cette zone et jouer un rôle… » (FIN) 

    Propos recueillis par Stéphane DUGAST
    Photos
    © RHM MALABAR

     

    CB2961.jpgRetrouvez l'intégralité du REPORTAGE paru dans COLS BLEUS, le bi-mensuel de la  Marine sur CALAMEO
    - Le récit des marins du Malabar
    - L'édito 
    - & l'entretien
    du pacha en intégralité.

     

  • DANS LES GLACES 2 |3

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     Il neige sur Brest ! En ces premiers jours du mois de décembre, un climat presque «polaire» règne sur la pointe Bretagne. De quoi raviver bien des souvenirs aux marins du Remorqueur de Haute Mer (RHM) Malabar. Six mois plus tard, le commandant raconte, avec ferveur, cette mission peu ordinaire. Là-haut, tout là-haut, «seuls les glaces et le temps sont maîtres» dit un proverbe inuit. Philippe Guéna, le pacha, et ses marins étaient prévenus…

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    - Commandant de goélettes, officier de manœuvre sur le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc et désormais pacha du Malabar, vous êtes un marin chevronné, comment avez-vous plus précisément préparé cette mission ?

    Je vais me répéter mais c’est énormément de préparation. C’est une lecture attentive des Retex avant le départ de la mission. C’est également prendre conscience de vivre une mission rare. Il faut anticiper les dangers.

     Grosso modo, l’essentiel consiste à éviter, à tout prix, la combinaison des glaces, du mauvais temps et de la mauvaise visibilité. Vous savez, le mauvais temps crée des retours de mer sur les radars si bien que parfois on ne peut pas voir les échos de la glace. Si on ne les voit pas à l’optique, on court le risque de ne rentrer en collision avec un bloc de glace à une vitesse peu adaptée.

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    Il faut ainsi être très attentif à la météo et aux conditions de visibilité ainsi qu’à la température de l’eau. Cette donnée est la plus pertinente pour appréhender l’apparition des glaces. Nous, on a ainsi évolué dans des eaux dont la température la plus basse était de -3,5° C.

    Nous avons aussi approché les icebergs, tout en restant à distance de ces derniers pour ne pas « cabaner ». Sous ces latitudes, un marin doit toujours garder en tête que ce qu’il voit du bloc de glace émergé cache une partie immergée. On a ainsi étudié avec soin les icebergs classés selon une classification précise. Car, certains sont plus dangereux que d’autres.

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    Pour se faire une idée plus précise de la quantité de glaces sous l’eau, on a également utilisé le sextant afin de procéder à des calculs trigonométriques en fonction de l’angle et de la hauteur immergée pour mieux évaluer le volume total d’un iceberg.

    Les plus hauts icebergs que l’on a rencontrés culminaient ainsi à 40 mètres. Quant à la plus forte concentration de glaces rencontrée, elle a été de l’ordre de 70-80%.

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    Pour naviguer dans telles conditions, quel(s) dispositif(s) aviez-vous mis en place à bord ?

    J’avais des veilleurs. Compte tenu du spectacle proposé, je n’ai d’ailleurs eu aucun mal à trouver des volontaires ! (Rires) En passerelle navigation, nous étions concentrés et appliqués surtout concernant la surveillance des fonds même si la coque d’un RHM est étudiée pour résister à ces conditions.

    Comme le dit le proverbe : « Deux précautions valent mieux qu’une ».  Quant à l’avant mission, j’ai accentué l’entraînement de l’équipage sur des exercices de sécurité dont le thème principal était la voie d’eau avec déchirure de la coque.

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    Sur place, nous avons dû également nous adapter. Car nous avons du affronter des conditions de navigation loins d’êter optimales à cause d’une une brume persistante. A cette période de l’année et sous ces latitudes, les bans de brume sont légions.

    Tout marin a en tête ce cliché de la Jeanne d’Arc navigant dans un banc de brume, pour nous ça a été l’inverse. En mer, on rencontre parfois ces phénomènes d’évaporation ou de condensation. Pour nous, en juin, la température de l’air se réchauffait tandis que la température de l’eau se maintenait d’où des bans de brume et une visibilité très mauvaise à cette période de l’année. (A SUIVRE)

     

    Propos recueillis par Stéphane DUGAST
    Photos
    © RHM MALABAR

     

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    - & l'entretien
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  • DANS LES GLACES 1 |3

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    Il neige sur Brest ! En ces premiers jours du mois de décembre, un climat presque «polaire» règne sur la pointe Bretagne. De quoi raviver bien des souvenirs aux marins du Remorqueur de Haute Mer (RHM) Malabar. Six mois plus tard, le commandant raconte, avec ferveur, cette mission peu ordinaire. Là-haut, tout là-haut, «seuls les glaces et le temps sont maîtres» dit un proverbe inuit. Philippe Guéna, le pacha, et ses marins étaient prévenus…

    - Expliquez-nous le pourquoi et le comment de cette mission aux accents nordiques de votre bâtiment, le RHM Malabar ?

    - Après une période d'entretien, nous avons appareillé de Brest, le 25 mai 2010, pour huit semaines de mission de police des mers et de contrôle des pêches dans le grand nord. Une mission effectuée dans le cadre d'une organisation européenne à laquelle sont associées la Russie et l'Islande.

    C'est la CPANE (Commission des pêches de l'Atlantique nord-est), qui met en œuvre ce type de mission pour laquelle chaque pays membre est tenu d'y participer  même si aucun de ses navires ne travaille dans les parages. De fait, on a embarqué trois contrôleurs à notre bord pour exécuter ces vérifications qui se sont tenues dans les zones limitrophes des zones économiques exclusives (ZEE) des États membres, ceux-ci étant responsables de leurs propres zones.

    Quant à notre zone de surveillance, elle était située en mer d'Irminger, au dessus de la dorsale Reykjanes, à 200 milles au sud-ouest de l'Islande, une zone réputée très riche en poissons. Une quarantaine de navires venus de toute l'Europe y pêchent notamment des sebastes, des poissons évoluant par grands fonds.

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    Nous concernant plus spécifiquement, il s’agissait de mener à bien cette mission, régie dans un cadre européen, consistant à s'assurer de la réglementation internationale sur la pêche et donc la préservation des ressources halieutiques.

    Au cours de ce périple nordique, comme j’aime à la qualifier, le Malabar a franchi le cercle polaire avant de faire escale à Saint-Pierre-et-Miquelon, notre ville marraine depuis 1982. Autre moment fort de cette mission, l’escale à Nuuk capitale du Groenland.

    Nous étions  le second bâtiment de la Marine nationale française depuis 1970 à trouver refuge dans un port de cette province autonome du Danemark. On a ainsi navigué dans des zones peu fréquentées par des bateaux gris comme la mer du Labrador, le détroit de Davis ou la côte occidentale du Groenland.

    A une époque où le réchauffement climatique est sur toutes les lèvres et où le passage du nord-ouest devient stratégique, nous avons ainsi pu montrer le pavillon tricolore dans cette région du globe sur laquelle sont désormais braqués les projecteurs.

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    - Dans cette région du globe proche du cercle polaire, comment navigue t’on ? Quelles sont les précautions que doit prendre tout  commandant d’une unité militaire ?

    - D’abord, c’est une mission que l’on prépare soigneusement en amont. J’ai beaucoup lu les RETEX (NDLR : Retour d’Expérience ») du Tourville. Par ailleurs, cette mission a été rendue possible grâce aux aptitudes du Remorqueur de Haute Mer, taillé pour des navigations dans ce milieu.

    N’oublions pas de mentionner que le RHM est classé comme brise-glaces. En quittant notre zone de patrouille de pêche plutôt que prévu à cause d’une tempête sur le sud du Cap Farewell, nous avons eu le loisir de naviguer dans des zones peu connues mais mythiques pour tout marin.

    On a pu non seulement voir des icebergs mais les approcher tout en allant chercher la glace. Nous n’allions cependant pas à l’aventure car les remorqueurs avaient par le passé déjà menés ce genre d’opérations. Je pense aux missions de surveillance des pêches sur les bans de Terre-neuve.

    Notre mission a donc eu du piquant d’autant plus, qu’à ma connaissance, aucun RHM n’avait mené ce genre de missions depuis 20 ans. (A SUIVRE)

    Propos recueillis par Stéphane DUGAST

     

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  • PUBLICATION STRATEGIQUE

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    © With the courtesy of Alhrep

    «Les Pôles», c'est la thématique du dernier numéro du Bulletin d'études de la Marine. Une publication référence sur les océans, la géopolitique maritime et ses acteurs.

    Les_poles.jpgLA CHRONIQUE Au pôle Nord comme au pôle Sud, les glaces sont reines. Situés aux deux extrémités du globe terrestre, l'Arctique et l'Antarctique sont deux déserts blancs longtemps restés à l'écart du monde.

    Si l'on néglige souvent de mentionner l'Antarctique comme le sixième continent de notre planète, l'Arctique est quant à lui en majeure partie un océan entouré de terres habitées, parsemées d'îles telles que le Groenland.

    Au sud, l'Antarctique est une vaste terre encerclée par le large océan austral, sur laquelle, exceptés quelques centaines de chercheurs et scientifiques de passage, aucun être humain n'habite.

    Soumises à des froids intenses, à la nuit polaire la moitié de l'année ainsi qu'à des phénomènes magnétiques longtemps restés inexpliqués, ces deux régions extrêmes de notre planète fascinent par leur beauté autant qu'elles effraient par la rudesse de leur climat, par les dangers encourus et leur isolement.

    Les pôles sont désormais au cœur des préoccupations géopolitiques, stratégiques et environnementales, dérèglements climatiques obligent. Autant de questionnements et d'approches que le dernier numéro du Bulletin d'études de la Marine  aborde dans un numéro spécial intitulé «Les Pôles».

    120 pages d'enquêtes et d'entretiens, dont une enquête «Dans les pas de Paul-Emile Victor», un portrait de l'aventurier polaire et l'interview de son fils, font de cette publication une référence pour les lecteurs (marins) curieux...

    Stéphane DUGAST

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    VERSION NUMERIQUE. A lire en intégralité sur le web à :  http://www.cedoc.defense.gouv.fr/Les-Poles-no47-Mars-2010

    VERSION PAPIER. Bulletin d'études de la Marine N°47. A commander en appelant le 01 44 42 82 13 ou en écrivant  au Centre d'Enseignement Supérieur de la Marine (CESM) - BP 8 - 00300 Armées.

  • BANQUISE MEURTRIERE

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    BRISE NET !
    Récit et photographies de Stéphane DUGAST

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    © Infographie - Arnaud Créachcadec

    Un rêve : être le premier Français à atteindre le pôle Nord en solitaire et sans ravitaillement. Une quête brisée nette après 18 kilomètres de marche...

    FCB pic 5 W.jpgImpossible de fermer l'œil malgré la fatigue, les 6 heures de décalage horaire à digérer, les 25 décollages et atterrissages en 2 jours et les 32 heures du voyage retour. La nuit a été presque blanche. Et cauchemardesque. Comme une prémonition.

    Au réveil, la radio crachouille ses flashs infos du matin. La litanie habituelle des catastrophes en France et à l'étranger. Les résultats sportifs du week-end aussi. De grandes épopées également comme le tour du monde à l'envers victorieux de Jean-Luc Van Den Heede après trois tentatives infructueuses.

    Pendant ce temps, «Le Cham» alias Frédéric Chamard-Boudet poursuit son aventure à lui. «Là-haut» sur la banquise, à quelques kilomètres de Cape Archtcheschy tout au nord de la Sibérie. Là où nous l'avons laissé sur la banquise à -40°C dans sa tentative en solo et en autonomie complète. Le pôle est encore loin, 980 kilomètres exactement. Encore 60 jours d'effort...

    Entre terre et océan

    La banquise blanche à perte de vue. La lumière est comme tamisée. Le soleil bas au-dessus de l'horizon. LaFCB pic 9 W.jpg montre affiche pourtant 16 heures tapantes.

    Juste devant nous s'étend l'océan Arctique glacial. Derrière, la terre la plus septentrionale en Sibérie. Hormis quelques bidons d'essence et une cabane enfouis dans l'épaisse couche de neige, rien ne distingue la terre de l'océan gelé.

    Posé depuis quelques minutes sur ce sol immaculé, les deux hélicoptères de l'aviation civile russe tranchent avec le paysage dépouillé. Autour des deux carlingues à la robe orange et bleue, on s'affaire religieusement autour de deux pulkas.

    Dominik Ardouin, l'aventurière franco-finnoise est rapidement prête à en découdre avec le grand blanc, sa pulka jaune solidement arrimée.

    Frédéric Chamard-Boudet range méthodiquement ses effets après avoir essayé son fusil dans le froid. Pour s'attaquer au pôle, chaque aventurier embarque une arme. Les rencontres avec un ours polaire sont courantes.

    Marin dans la brume

    FCB pic 20 W.JPGLes ultimes préparatifs des deux aventuriers se font sans précipitation et dans le calme. Les deux sont presque muets. Complètement dans leur bulle.

    Derniers réglages. Sanglage de la pulka et des boots de traction sur le baudrier. Ajustage du masque sur le visage pour se protéger du vent polaire. Dernières accolades avec les accompagnateurs. Personne ne pipe un mot. I

    ndifférents à cette préparation quasi silencieuse, les pilotes multiplient les allers-retours entre les hélicoptères et la cabane. Il faut refueler les deux hélicos pour rentrer à la base de Sredny à une heure et quart de vol.

    Dominik Ardouin s'est déjà élancée depuis quelques minutes lorsque le marin et sa pulka couleur pomme et cerise s'ébrouent. Derniers regards. Ultimes encouragements.

    En guise de salut, les bras et les bâtons de skis s'élèvent et s'agitent. L'aventurière haute comme trois pommes et sa pulka de 50 kilos ont déjà disparu à l'horizon.

    Plus que le bruit des skis raclant la neige. La brume enveloppe le «marin des glaces». La nuit polaire ne va pas tarder à tomber.

    «Il a échappé de peu à la mort...» 

    FCB pic 12 W.jpgKlaxon et bruit de sirènes. Paris la nuit. Paris le jour. Réveil difficile. Rapidement déballer le sac de reportage et laver le linge sale avant de foncer à la rédaction de l'hebdomadaire de la Marine.

    L'odyssée sibérienne est terminée. Les rêvasseries aussi lorsque retentit la sonnerie du téléphone. «Frédéric a déclenché sa balise Argos. Il a échappé de peu à la mort...». À l'autre bout du fil, la voix de son épouse Véronique s'étrangle. Stupeurs et tremblements.

    Autre coup de fil, Cerpolex les organisateurs français des expéditions polaires de Frédéric, Christine Janin, Jean-Louis Etienne et de tant d'autres. «Frédéric est en mauvaise posture. D'après son coup de téléphone, il est tombé dans une eau à -1.8°C pendant 4 minutes. Il aurait quand même réussi à monter son bivouac et tente de se réchauffer les mains».

    Tout va très vite dans la tête. L'eau à -2°C. La température de l'air oscillant jusqu'à -30°C. Aucune source de chaleur excepté une tente à monter et un réchaud à allumer mais avec les pieds et les mains gelés...

    Un vrai martyre ! Je me rappelle mon retour dans l'hélicoptère. Mes mains et mes pieds gelés que j'ai eu mille peines à réchauffer près d'une source de chaleur. Si dérisoire par rapport à ce que doit endurer le «marin des glaces».

    Pendant 3 jours, les secours s'organisent. Les coups de téléphones seront innombrables. Les marques d'affection aussi. Viendra la plus belle, celle d'un officier de marine épris lui aussi d'aventure : «Le vrai défi est bien celui dont l'issue reste incertaine...».

    Frédéric sera sauvé.  Le précédant à son départ depuis la terre la plus septentrionale, Dominik Ardouin disparaîtra deux jours plus tard. Jamais son corps ne sera retrouvé, «englouti» par la banquise meurtrière cette année là.

    «Là-haut», tout là-haut, sur la banquise, la moindre erreur peut s'avérer fatale...

    logo cb.jpgRécit publié dans Cols Bleus, l'hebdomadaire de la Marine nationale depuis 1945.

  • RECIT POLAIRE 3|3

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    EN COULISSES 3|3
    Récit et photographies de Stéphane DUGAST

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    Sept décennies après ses hivernages au Groenland oriental, j'ai glissé mes pas dans ceux de Paul-Emile Victor (1907-1995) afin de raconter le destin d'une des figures emblématiques de l'aventure polaire du vingtième siècle et une région du globe en pleine mutation. Ultime volet du récit de cette aventure polaire racontée dans un livre, une exposition, un film documentaire et dans la presse.

    FCB pic 15 W.jpgC'est lors d'un quart pendant une nuit étoilée que l'idée de réaliser ces voyages-expéditions en milieu polaire a germé. Sur le pont détrempé de la goélette de la Marine nationale Belle Poule, le Groenland et Paul-Emile Victor se sont enfin conjugués. Clin d'œil à ma vocation polaire, le marin-aventurier Frédéric Chamard-Boudet, dit «Le Cham'», achevait sa carrière dans la Royale sur ce navire-école.

    Frédéric, je lui dois ma première expérience polaire. Solide gaillard bâti comme un deuxième ligne de rugby, ancien radio transmetteur chez les commandos Marine, le «Cham'» est un passionné de voyages et d'expéditions.

    En digne héritier des marins explorateurs comme Pierre Loti ou Jules Dumont d'Urville, découvreur de la terre Adélie, ce fondu de voile a décidé de marcher sur un océan et de rejoindre, en solitaire et sans ravitaillement, le pôle nord depuis la Sibérie. 

    Reporter «officiel» de son expédition, c'est à cette occasion que j'ai découvert le monde polaire. En Sibérie centrale durant l'hiver 2004, j'ai ainsi effectué mes premiers pas au pays des glaces.

    Au cap Arkitcheski, à la pointe de l'île Severnaya zemiya, j'ai pu contempler la banquise pour la première fois de ma vie. D'abord, depuis le hublot de l'Iliouchine 8, l'un des deux hélicoptères de l'aviation civile russe dans lesquels avec d'autres membres d'expéditions nous avons embarqué. Vue du ciel, cette  vaste étendue blanche à perte de vue, avec ses longues cicatrices et ses fractures causées par les courants, m'a instantanément fasciné. Au sol, le silence de cathédrale qui y règne m'a figé.

    Ce jour là s'étendait l'océan arctique glacial à perte de vue. Droit devant, le pôle nord à 980 kilomètres. Pour l'atteindre, 60 jours de marche au moins. Posés depuis quelques minutes sur ce sol immaculé, les deux hélicoptères de l'aviation civile russe semblaient perdus dans cette immensité malgré leur taille imposante. Tandis qu'autour des deux carlingues à la robe orange et bleu aventuriers et accompagnateurs s'affairaient, j'ai pris le temps de m'isoler et de me perdre dans une «forêt» de blocs de glaces sculptés par les marées et les vents.

    Le silence absolu seulement rythmé par ma respiration bruyante m'a saisi. Méditant quelques minutes à l'écart, je me suis imprégné du moment. Dans ce paysage dépouillé calme et fureur de la Nature se mélangeaient. De ces instants trop furtifs sur l'océan arctique gelé est née une intime conviction : revenir s'immerger dans un univers similaire. Russie ? Alaska ? Canada ? Antarctique ? Je ne le savais pas encore.

    L'idée d'un reportage en milieu polaire ne me quittera plus. En Sibérie central, les pieds gelés, les mains engourdies, les lèvres gercées, la chaire de poule en continu et les onglées nombreuses, j'y ai appris un univers et ses dures lois. En me rendant deux ans plus tard sur la côte orientale du Groenland, j'allais de nouveau être aimanté comme «Pôle»-Émile Victor !

    De prime abord sauvage, hostile et figé, les univers polaires révèlent leurs mille et une facettes à qui sait patiemment les arpenter, les regarder, les ausculter, les sentir et les écouter attentivement. On dit d'ailleurs que c'est à ce prix que les icebergs respirent, murmurent, chuchotent puis vous parlent... (FIN)

    «Dans les pas de Paul-Émile Victor» sur Internet, rendez-vous sur : www.danslespasdepaulemilevictor.fr

  • RECIT POLAIRE 2|3

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    EN COULISSES 2|3
    Récit et photographies de Stéphane DUGAST

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    Sept décennies après ses hivernages au Groenland oriental, j'ai glissé mes pas dans ceux de Paul-Emile Victor (1907-1995) afin de raconter le destin d'une des figures emblématiques de l'aventure polaire du  vingtième siècle et une région du globe en pleine mutation. Deuxième volet du récit de cette aventure polaire racontée dans un livre, une exposition, un film documentaire et dans la presse.

    PEV 11 W.jpgEn suivant le sillage de Paul-Emile Victor sept décennies après ses séjours sur la côte orientale du Groenland, pénétrer au cœur des traditions et de l'âme Inuit a été notre leitmotiv. Une suite d'enquêtes minutieuses nous a permis de retrouver les empreintes laissées par «l'ami Paul-Émile», comme nous l'appelons désormais affectueusement.

    Durant ce voyage au fil des glaces, nous avons eu le bonheur de rencontrer les derniers survivants Inuits (désormais octogénaires), témoins des passages du kratouna («blanc» en tunumiutut) «qui écrivait tout le temps et imitait le singe pour faire rire les enfants».

    Tout au long de ce voyage initiatique, notre parcours a également été jalonné par de lumineuses rencontres. Tobias le chasseur, Silba, Gerti ou Max l'étonnant professeur marseillais, tous nous ont raconté, avec ferveur et enthousiasme, la vie contemporaine et celle des «temps anciens».

    En écho aux récits épiques et aux clichés artistiques de «l'ami Paul-Émile», j'ai  été conquis par la magie de cette région du globe pourtant menacée par les effets du réchauffement climatique. Tandis que les glaciers fondent inexorablement, la banquise - le territoire de prédilection des chasseurs Inuits -  se réduit, aussi bien en superficie qu'en épaisseur.

    Les répercussions de ces dérèglements climatiques sont  d'ores et déjà palpables pour la communauté Inuit. En s'amincissant, la banquise a ainsi rendu tout déplacement en traîneaux aléatoire le long de la côte orientale du Groenland. A cause de la disparition de la banquise hivernale dans les fjords durant la dernière décennie écoulée, les Inuits privilégient désormais les bateaux à moteur au détriment des chiens, privés d'activité faute de banquise.

    En réponse à ces changements, la majorité des chasseurs a également préféré tuer ses chiens plutôt que d'en assurer l'entretien. L'utilisation du bateau à moteur s'est systématisée été comme hiver. Les habitants d'Ammassalik sont aux premières loges du réchauffement climatique. Paradoxalement, la plupart des 3 000 Inuits peuplant cette région froide du globe semblent moins inquiets de ces récents bouleversements que les Occidentaux.

    «Les hivers sont plus courts et en plus il fait moins froid !» entend-on dans les rues de Tasilaaq, la principale agglomération concentrant le 2/3 des habitants. À l'inverse des sédentaires déconnectés de leur environnement, la poignée de chasseurs - une soixantaine tout au plus - est, quant à elle, préoccupée par ces dérèglements climatiques.

    Si il est difficile pour les Inuits d'imaginer tous les scenarii d'évolutions climatiques envisagés par la communauté scientifique internationale plutôt alarmiste quant à l'impact de la fonte des glaciers au Groenland sur les activités humaines (élévation du niveau des océans, instabilité des modèles météorologiques,  inflexion des courants marins...), ces récents dérèglements climatiques visibles dans la région d'Ammassalik envoient des signaux forts au reste de la Terre. Les régions polaires sont plus que jamais le baromètre de la planète en surchauffe...

    (A SUIVRE)


    «Dans les pas de Paul-Émile Victor» sur Internet, rendez-vous sur  : www.danslespasdepaulemilevictor.fr