Peintre de Marine, Philip Plisson est certainement aujourd'hui le photographe de mer le plus médiatique et le plus reconnu. Comptant à son actif moult ouvrages et clichés de mer devenus célèbres, son œil, sa « patte » et son ancre de Marine ont fait sa marque de fabrique. C’est dans le Morbihan, à la Trinité sur Mer, son port d’attache, que le Philip Plisson s'était confié à moi il y a quelques mois. A l'occasion de son soixante-sixième anniversaire, le photographe très prolifique signe d'ailleurs son soixante-sixième livre ! Retour sur d'étonnantes confessions d'un passionné des océans.
Propos recueillis par Stéphane DUGAST
« Près de 90 % du commerce mondial s’effectue par la mer avec les conséquences que l'on connaît en matière de pollution. Vous parcourez depuis des décennies océans et littoraux de notre planète, comment l'homme gère selon vous aujourd'hui cet environnement ?
- Philipp PLISSON : À mes yeux, il y a enfin chez les politiques et nos concitoyens une prise de conscience des océans et de leur avenir. Jusqu’à récemment, la mer ne semblait pas être totalement ancrée dans le paysage médiatique hexagonal.
Pourtant, la France offre le trait de côte le plus long d’Europe. La Marine nationale a longtemps été la seconde force navale dans le monde. La mer semblait délibérément occultée des discours. Le Grenelle de la Mer a indéniablement mis en lumière cet univers et ses enjeux.
Ce Grenelle a surtout permis de poser les bonnes questions en réunissant autour de la table des spécialistes et en les faisant plancher sur des problématiques majeurs pour nos océans, et par delà nos sociétés modernes.
Quant à la gestion de l’homme de son environnement sur notre planète, je laisse le soin aux spécialistes de faire leurs commentaires. Eux seuls peuvent parler des océans et de leurs enjeux du fait de leur expertise. Il y a à mon sens en ce moment trop de donneurs de leçon qui parlent, à tort et à travers, des océans et d’écologie.
Pour ma part, c’est un univers que j’observe, que je regarde et que je photographie depuis des décennies. La mer m’inspire des émotions et des réflexions mais jamais je ne me permettrais d’être un donneur de leçon.
Depuis le printemps 2009, vous vous êtes lancé dans un projet ambitieux : photographier la France et son littoral vue de la mer. Quelles en sont les raisons et les motivations ?
J’ai voulu porter un regard photographique sur le littoral hexagonal depuis la mer. Cela peut aujourd’hui paraître être une évidence mais cette dimension n’avait encore jamais été appréhendée.
J’ai ainsi voulu écrire photographiquement parlant le littoral français en partant de la frontière belge à la frontière italienne. J’avais cette idée en tête depuis longtemps.
Encore fallait-il oser se lancer dans ce projet hors normes. Economiquement, c’est loin d’être viable mais l’intérêt de ce projet, comme sa portée, sont indéniables. A ce jour, j’ai déjà parcouru 6 820 milles, soit 12 630 kilomètres pour les terriens. A raison de 6 heures de photo en moyenne par jour, vous pouvez en déduire que j’ai navigué pendant 263 jours de mer.
Mais plutôt que de vous asséner de chiffres, parlons de l’esprit de La France vue de la mer. C’est un clin d’œil à la vocation première des peintres de Marine, un corps d’artistes créé aux origines pour témoigner sous forme d’inventaire des ressources maritimes de la France.
Sillonner le trait de côté m’a également donner l’idée de m’intéresser également à la Société Nationale de Sauvetage en Mer (SNSM). J’ai ainsi décidé de dresser un inventaire des hommes et des moyens de la SNSM. Je ne pensais pas que cela serait autant gourmand en temps.
Car, il faut prendre rendez-vous avec chacune des stations de la SNSM, organiser des séances photos avec les unités en mer puis ensuite photographier les équipages à terre. Même si cet inventaire supplémentaire me ralentit considérablement, je suis fier de mener cette mission au profit d’une association à laquelle je suis intimement liée et qui, de surcroît, est essentielle pour les gens de mer.
Comment réussissez-vous à concilier ces contraintes avec votre exigence artistique également gourmande en temps ?
J’ai descendu le trait de côte en le photographiant comme il se présentait. Je n’ai pas attendu des heures la lumière exceptionnelle, ce grain noir ou ce coup de vent qui donne à un cliché force, esthétisme et puissance, sinon j’y aurais passé des années.
L’essentiel a été de parcourir le trait de cotes et le photographier tel quel. J’ai cependant tenu à parcourir le trait e de côtes toute en faisant le tour de toutes les îles et en visitant tous les estuaires, les abers ou les baies. C’est un travail titanesque !
Prenons l’exemple de la Bretagne, rien qu’à elle seule ce sont ainsi 3 500 kilomètres de trait de cotes que j’ai photographié. D’un point de vue éditorial, j’ai découpé mon travail par segments géographiques. Paru en librairie, le premier tome de La France vue de mer s’est ainsi concentré des plages du Nord au Mont-Saint-Michel. Les tomes suivants seront dédiés à la Bretagne puis à la façade atlantique. J’achève en ce moment mon travail sur le littoral méditerranéen avant de m’attaquer à la Corse »
Photographies : Philipp PLISSON / www.plisson.com
EN SAVOIR +
› Le site « officiel » de Philipp Plisson http://www.plisson.com/
› Le blog de Philipp Plisson http://www.philip-plisson-blog.com/