Lancé en 2007, le blog Embarquements cesse momentanément ses parutions.
VISIONS SCANDINAVES #7
Artiste-peintre & danseur professionnel, Pierre Auzias va multiplier les navigations et les escales les plus exotiques. Un nouvel hasard va pourtant lui faire poser son sac en Scandinavie. Septième épisode de la vie d’un homme devenu un temps immobile au Danemark son nouveau pays.
Rentrer est toujours un sain réflexe lorsque soudain l'ennui gagne. Peu importe la durée de l'escale lorsque l'on sait que l'on repartira.
Le Musée d'Art Moderne de Louisiana au Danemark m'a accueilli en janvier 1984 pour une performance en compagnie de la danseuse péruvienne Martha Donoso.
SAC À TERRE
Le Danemark, j'ai d’emblée aimé ce pays. La qualité de vie, les rencontres… Les débouchés professionnels en découlant (de caractère souvent spontanés) me poussent à m'installer ici.
J'accepte que désormais il me faille apprendre le danois, langue difficile car très inarticulée mais cependant très riche. La meilleure méthode est d'en reconnaître les sons, de parler la langue avant de l'écrire.
La littérature danoise est passionnante, proche du norvégien et du suédois. Ainsi est-il possible de parler et de lire trois langues une fois le danois acquis. La culture scandinave n'est accessible en profondeur qu'à cette condition.
MOLLES TRAJECTOIRES ?
Dès 1986, je vis avec deux cultures parallèles, la latine et la scandinave. Je suis décidé à en exploiter tous les privilèges.
L'art de la danse - essentiellement représenté par Bournonville au Théâtre Royal - contraste avec la rigueur russe. Les trajectoires qui semblent effleurer l'espace me semblent molles. Les « Modernes » arrivent à peine avec les compagnies de Martha Graham et d'Alain Ailey.
Trevor Davies, un anglais, a créée une série de festivals sur tout le Danemark dès 1979. Des artistes de toutes disciplines, importés principalement de l'étranger, influencent alors peu à peu les créateurs et le public danois.
La ville de Frederiksværk dans le Nord du Sjælland, à l’embouchure du fjord de Roskilde,
dans laquelle s’installe Pierre Auzias.
DANSE & THÉÂTRE
C'est l'époque de l'art sauvage et iconoclaste au discours nihiliste qui crache cyniquement sur le conservatisme baroque et doré.
Mes marines du dimanche font bien rire les galeristes. C'est là, la leçon dont j'avais besoin et qui me fera passer du dessin coloré à une expression picturale véritablement peinte.
Je chorégraphie encore réalisant quelques pièces de 1986 à 1991, tout en enseignant à l'école de théâtre d'Aarhus et à la seule école de danse d'Etat de Copenhague.
CHANTIER EXPRESS
Été 1990, escale en France au Guilvinec. Je restaure en hâte un mousquetaire club dont le puits de dérive un peu mûr cède dans le port de Perros-Guirec.
L'eau atteignant ma couchette me réveille. Je pompe. Je sors du port, je l'échoue sur la première plage et je colmate avant de remonter un peu tardivement au Danemark sous pilote, bien au sec sous sa bulle en plexiglas.
Ce sera là mon atelier d'été dès l'année suivante.
Septembre 1990, arrivée du Mousquetaire Club au Danemark.
Las de payer les danseurs avec mes honoraires de chorégraphe lorsque je produis une pièce, je me retirerai quasi définitivement de la scène le 11 Juin 1991, le jour de la naissance de ma fille Maren.Maren : un vieux prénom viking signifiant «celle qui vient de la mer»…
Thit : du nom de l’écrivain danois féministe Thit Jensen. L'une des restaurations de Pierre Auzias. Un Kadrejerjolle de Dragør construit en 1888.
CABOTAGES NORDIQUES
Mon plaisir à parcourir le Danemark pour le peindre est réel. Les côtes sauvages de l'ouest du Jytland, le long desquelles le vent ne souffle durant l'hiver que rarement au dessous de 45 noeuds, me laissent des souvenirs inoubliables.
De l'autre côté de cette immense presqu’île, à l'Est, de vieux passeurs (de tout tonnage) desservent des centaines de petites îles.
Partout, ce riche patrimoine maritime que l'on restaure sans cesse. Autant de sujets d’inspirations inépuisables. Les danois - connaissant tous parfaitement leur histoire - savent de surcroît en parler. Aborder l’un de ces marins et sa réponse sera toujours riche d'anecdotes.
SUR LA ROUTE
Pour y mettre un landau et mon chevalet, j'achète mon atelier d'hiver : une superbe Volvo Amazon de deux litres avec over drive. Elle a 500 000 kilomètres et ne consomme qu'un petit litre d’huile aux mille kilomètres !
Je cultive dans cet habitacle d'avion l'ancien bonheur de la conduite. En vrai touriste, j'épluche la carte routière de mon nouveau pays où le bonheur de peindre en regardant grandir mon enfant devient mon leitmotiv… »
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Photographies : DR