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L’AMI CONRAD
Qu’on se le dise, Joseph Conrad (1857-1924) fait partie des grands de la littérature d’aventures. Son roman Lord Jim (1900) est un classique du genre, comme Au cœur des ténèbres (1899) qui inspirera d'ailleurs Francis Ford Coppola au cinéma avec Apocalypse now. En fin orfèvre de l’écriture, Alain Dugrand s’est, quant à lui, intéressé à cette figure de la littérature. Avec tact et à propos, il nous raconte dans son dernier ouvrage Conrad et (sa) vie à la mer.
› QUI ÉTAIT CONRAD ? Orphelin à onze ans, Teodor Józef Konrad (pour l’État-civil) va quitter l’empire russe afin d’embrasser une carrière de marin. Agé de 16 ans, il débarque en France et à Marseille, pour devenir mousse sur un voilier.
Pendant près de quatre ans, il fera son apprentissage avant d’entrer ensuite dans la marine marchande britannique, où il restera plus de seize ans.
Brevet de capitaine au long cours et citoyenneté britannique en poche en 1886, il va alors commencer à écrire sous le nom de Joseph Conrad. Parlant aussi bien le polonais, l’allemand, le français que l’anglais, Conrad n’écrira cependant que dans la langue de sa nouvelle patrie.
Quant à ses pérégrinations de marin, elles vont l’emmener souvent loin, en Orient, en Extrême-Orient ou en Afrique, comme au Congo. Autant d’opportunités et de «matières premières» pour ses romans ou ses nouvelles.
Mis ensuite au ban par ses pairs, il va naviguer plus rarement, et ainsi s’adonner à l’écriture. La Folie Almayer (1895), Un paria des îles (1896)… Autant de romans qui vont achever de forger sa réputation littéraire.
Enchainant contre vents et marée voyages, écritures et embarquements, Conrad va publier avec succès des romans comme Nègre du Narcisse (1897), Miroir de la mer (1906) ou Le Frère-de-la-Côte (1923). 1925, Derniers Contes et le roman inachevé L'Attente seront ses œuvres posthumes.
› MON AVIS Plutôt que de nous retracer de façon exhaustive la vie de cette grande figure de la littérature, Alain Dugrand choisi d’abord de nous raconter les liens unissant l’écrivain à la mer, notamment lors de ses jeunes années à Marseille.
Il est alors ensuite temps d’égrener les temps forts de sa carrière de marin dans la marine marchande britannique, avant de s’intéresser à sa manière de s’inscrire dans le paysage de son époque et de la littérature.
Alain Dugrand parvient non seulement à nous raconter Conrad et ses tribulations mais surtout à les mettre en parallèle. Le Vieux-Port, le golfe d’Hyères, Singapour, Brazzaville… Alain Dugrand s’est, en effet, rendu dans les lieux clefs de l’existence de Conrad.
Il décrit, avec justesse et faconde, ses voyages qui font écho à ceux de l’écrivain du XXème siècle. Un modus operandi permettant de se juxtaposer au destin de celui que l’on considère désormais comme le «père du roman moderne».
Sans fard, ni mièvrerie, ni ostentation, ce récit joliment troussé raconte, Conrad, ses aventures et les coulisses de sa vie. Une bonne entrée en matière avant de se replonger ensuite dans Lord Jim, Typhon et autres récits ou, pour ma part, d’enfin aborder L'agent secret et Nostromo.
Car, Conrad n’excelle pas seulement à écrire des «romans de mer», son œuvre est plus obscure et profonde.
Stéphane Dugast
Photographies © DR / La petite vermillon
› Conrad, la vie à la mer d’Alain Dugrand. 296 pages - 8.70 € (Table Ronde - La Petite Vermillon)