Les Longues traversées, c’est le titre du nouvel album de bande dessinée signé Christian Cailleaux et Bernard Giraudeau. Une œuvre (en partie) posthume dans laquelle souffle un indéniable parfum d’aventure.
Marin mécanicien devenu acteur au cinéma et au théâtre, réalisateur de films et romancier à succès, Bernard Giraudeau s’était essayé à toutes les audaces dont celle d’écrire pour la bande dessinée. C’est donc fort du succès de leur premier album intitulé R97 - des hommes à terre, paru chez Casterman en 2008, que Christian Cailleaux et Bernard Giraudeau avaient décidé d’entamer une seconde collaboration s’inscrivant dans la continuité de leur première œuvre commune.
En partie autobiographique et mélancolique, R97 - des hommes à terre était une ode à la Marine, aux marins, aux escales et aux voyages. Ce second album en est le parfait prolongement servi par le dessin poétique et évocateur de Christian Cailleaux (l’auteur de la remarquée série Les Imposteurs). Quant à la plume de Bernard Giraudeau, écrivain de Marine, elle est toujours autant aiguisée et inspirée.
A l’instar de son géniteur, Théo quitte la Marine et se cherche un avenir en errant d’abord sur les quais du port de la Palice. Ses pérégrinations l’emmèneront ensuite à Lisbonne où il y fera d’étonnantes rencontres dont celle de Diego, un marin bloqué à quai.
Au fil des pages, on vit donc intensément les tribulations de Théo, l’apprenti-écrivain, et de Diego, le marin angolais, réinventant chacun leur vie dans l’attente d’un départ qui n’a jamais lieu.
Comme eux, on devient habité par les fantômes du passé, peuplé de femmes réelles, imaginaires ou disparues. Aux récits de voyages s’entremêlent ainsi les fantasmes et le vécu des personnages, une subtile trouvaille narrative. La figure d’Ines de Florès, femme-pirate du dix-huitième siècle, hante les pages de cet album dans lequel se mêlent donc habilement voyages réels et imaginaires.
Le souffle épique baignant cet ouvrage n’est pas sans rappeler celui traversant l’œuvre de Bernard Giraudeau trop prématurément achevée.
Empreint du souvenir de son compagnon et « associé », de leur amitié, des moments passés, l’émotion (sûrement) à fleur de peau, Christian Cailleaux a su retranscrire avec à–propos le style flamboyant et puissant Bernard Giraudeau, tout en s’affranchissant des pièges inhérents à cet exercice si délicat consistant à finir seul une œuvre imaginée à deux.
Dès les premières pages, on perçoit l’attrait du dessinateur pour la littérature et la poésie de son « compagnon de cordée » ainsi que leurs goûts prononcés pour la mer, les voyages, les escales, l’amitié, l’amour, les rêves, le destin et les rencontres.
Un bien bel hommage à l’ex-quartier-maître mécanicien de la Royale devenu une star du cinéma, un écrivain de renom et un auteur de bande dessinée à part.
De voyages lointains en rêveries immobiles, Les longues traversées embarquent littéralement le lecteur, le transportant loin de son (morne) quotidien.
Que Bernard et Théo soient rassurés, Christian a tenu bon la barre malgré les vents contraires. Les longues les traversées sont parfois aussi incroyablement douces...
Stéphane DUGAST
Dessins © Christian Cailleaux / Casterman & Dupuis-Aire Libre
LIRE
Les Longues traversées de Bernard Giraudeau et Christian Cailleaux. Bande-dessinnée. 80 pages en couleur. 15.95 € (Dupuis).
RELIRE
R97, Les hommes à terre de Bernard Giraudeau et Christian Cailleaux. 18 € (Casterman).
A REGARDER LA BANDE-ANNONCE LES LONGUES TRAVERSEES