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MÉLUSINE MALLENDER #5 : ESCALE AU BANGLADESH
27 000 kilomètres à moto et en solitaire à travers 14 pays de l’Asie du Sud, c'est l'expédition accomplie par Mélusine Mallender depuis l'Indonésie jusqu'à l'Iran, via notamment le Myanmar, le Bangladesh, l’Inde, le Népal ou encore encore le Pakistan. Son objectif ? Arpenter des pays à l’image dégradée, et se questionner sur ce que signifie la liberté là-en bas en donnant la parole plus particulièrement aux femmes.
(LIRE L'ÉPISODE PRÉCÉDENT) A Dacca, Mélusine rencontre Sylvia, la créatrice du premier club féminin de deux-roues. Grâce à son club, Sylvia dispense des cours gratuits de conduite, permettant ainsi aux femmes de pouvoir conduire seule un scooter, une activité jusque-là exclusivement masculine. «Certes, son club compte seulement 150 membres dans un pays de 160 millions. Mais son initiative est une vraie revendication, un acte féministe et militant. Sylvia fait bouger les lignes et c'est tant mieux !», s’enthousiasme Mélusine.
Une autre rencontre a été forte en émotions à Dacca, celle dans une clinique privée avec une femme attaquée à l'acide et défigurée parce qu'elle avait refusé un mariage : «Au pays où la beauté féminine est reine, ces attaques à l'acide sont abjectes. Elles visent à détruire les femmes. La femme que j'ai rencontrée a été à ce point défigurée qu'elle en est à 7 opérations du visage. Si sa reconstruction physique s'achève, celle morale est plus compliquée. Le plus dur pour elle, c'est de constater que son agresseur, comme dans 90 % des cas, ne sera ni jugé, ni emprisonné. Normalement, c'est la peine capitale».
De cette rencontre, Mélusine ressort bouleversée et métamorphosée : «J'étais révoltée devant cette attaque et cette injustice, énervée contre la nature humaine mais également émue et impressionnée par l'optimisme et l'énergie de cette femme qui va de l'avant». Une leçon de vie.
Plus loin sur la route au Népal, Mélusine va vivre l'aventure et son lot d’imprévus, notamment en terme de logistique. Elle doit faire face à une pénurie d'essence mais cela n'empêche heureusement pas d’effectuer de belles rencontres comme avec Sareena, une femme adepte de musique punk. «Une hérésie au Népal mais Sareena a persisté contre vents et marées. Elle fait sa gratte. C'est un modèle pour les jeunes filles qui se disent que l'on peut vivre de la musique, et pas forcément du punk».
Sur les routes du Népal, une autre rencontre va marquer durablement Mélusine, celle avec Mira Rai, une ancienne engagée de l'armée maoïste devenue championne de trail presque par hasard. Une destin hors normes pour une jeune femme qui un jour enfile ses baskets pour effectuer un trail longue distance. Une compétition qu'elle remporte à sa surprise haut la main. «Elle m'a confié qu'elle n'avait alors jamais couru aussi longtemps. Mais les travaux aux champs et en altitude dans sa jeunesse et sa vie de militaire lui avaient forgé un physique et un mental insoupçonnés».
Cette victoire de prestige fait alors voyager Mira Rai hors de son pays. Outre ses victoires, comme à l'ultratrail du Mont-Blanc, ses déplacements l'ouvrent sur le monde.
Se forge ainsi chez Mira Rai une lente prise de conscience et une réflexion encore balbutiante sur la condition de la femme : «C'est un processus certes long mais ô combien précieux pour faire évoluer la condition de la femme au Népal. D'autres femmes se disent désormais que c'est possible, là est l'essentiel. En courant librement, elle montre la voie».
Sareena-la-punk, Mira Rai-la-coureuse... Des pionnières et des modèles positifs qu'affectionne Mélusine. (LIRE LA SUITE)
Stéphane DUGAST
Auteur, reporter et secrétaire général de la Société des Explorateurs Français.
Photographies © Zeppelin-network