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Les «bateaux gris» peuvent parfois mener une étonnante seconde vie. Ancien bâtiment de la Marine nationale en service jusqu’en 1998, Le Manguier est désormais un remorqueur… à voiles à vocation polaire ! Récit d’une étonnante transformation.
Tête d’épingle perdue dans l’immensité du Pacifique oriental, l’île de Clipperton est une possession française depuis 1931. Une île mystérieuse comptant de nombreux passionnés dont Eric Chevreuil, de retour d’une récente expédition sur cet atoll en compagnie de 11 Mexicains. Premier extrait de son enquête et premières pièces à conviction contredisant le mythe selon lequel tout débarquement à Clipperton par voie maritime est impossible…
« Clipperton est entouré d’une ceinture de récif avec deux à trois points de débarquement qui ont été largement signalés sur les cartes et croquis depuis sa « Découverte » en 1711 et sont maintenant publiés avec coordonnées GPS sur des sites cartographiques communs. Il y a effectivement danger et quelques cas documentent les risques.
Le SacramentoDaily Record-Union daté du 1er janvier 1898 rapporte que la canonnière mexicaine ElDemocrata avait été envoyée à Clipperton pour y réaffirmer la souveraineté mexicaine.
L’HONNEUR EST SAUF
Arrivée sur zone le 31 décembre 1897, son capitaine découvre que le drapeau américain est hissé sur l’île et envoie une chaloupe à la mer avec un détachement de soldats en armes pour régler le problème.
La chaloupe chavire et les soldats peuvent rejoindre la côte à la nage mais sans leurs armes, perdues au fond de l’eau. Heureusement, le pavillon mexicain sera sauvé et hissé sur l’île.
L’ÎLE X
Les Américains y laissèrent, quant à eux, plus que des plumes en 1944 lors de leur mission top secrète sur celle qu'ils ont baptisée « l’île X ». Une barge de débarquement toute neuve s'échouera, en effet, sur les récifs en essayant d’atteindre les plages. Elle y sera d'ailleurs abandonnée.
Plus récemment, le M/V Monarch aurait coulé en 1962 à proximité de l’île. Neuf membres d’équipage auraient ainsi passé 23 jours sur l’atoll avant d’être récupérés par un navire de pêche et transbordés sur le USS Robinson.
Ce sont grâce à des patates et des oignons sauvés lors de la catastrophe, et à l’eau du lagon qu'ils doivent leur survie. Les noix de coco, les oeufs et la chair de petits oiseaux auraient également contribué à améliorer leur ordinaire. De ce naufrage, je n’ai pourtant aucune preuve tangible malgré de nombreux témoignages qui se recoupent.
NAUFRAGES INCONNUS
En 1988, cinq marins perdus en mer auraient dérivé au large de l’île sans pouvoir y accéder. Enfin, en 1998, Steven Longbaugh et David Heritage, auraient passé trois semaines sur l’île et n’auraient été sauvés qu’après avoir réussi à réparer une radio.
Parmi les naufrages mystérieux, notons cette l’histoire d’un bateau de pêche sportive qui aurait lancé une chaloupe pour une visite sur l’île, laquelle aurait chaviré. Les passagers et l’équipage auraient alors contacté un thonier de passage qui aurait utilisé son hélicoptère embarqué afin de transporter les « naufragés » depuis l’île jusqu'à leur navire.
AUCUNE TRAGÉDIE ?
Le total des catastrophes maritimes documentées sur Clipperton est minimal quand on le compare au trafic maritime intense qui s’y est déroulé à partir du « guano rush » de 1858.
Seuls les naufrages du Kinkora (1897), du Nokomis (1914), du LST-563 (1944) et des chalutiers Thistle (1950?), Lilly Mary (2000) - laquelle aurait d'ailleurs introduit les rats sur l’île -, Dixie Isle et Oco seraient à officiellement répertoriés.
Aucun décès n’a pourtant été mentionné au cours de ces naufrages. Même l’échouement du chimiquier Sichem Osprey en 2010 n’a pas tourné en tragédie.
SÉJOURS GRAND LUXE
Fin 2004 et début 2005, l’expédition de Jean-Louis Etienne a, quant à elle, été capable de débarquer 10 tonnes de matériel et 45 personnes sur l’atoll ravitaillé une fois par semaine par un voilier faisant des navettes à partir d’Acapulco.
Les deux enfants (de moins de 5 ans) de l'explorateur ont d'ailleurs vécu sur l’île. Le plus jeune y a même fait ses premiers pas. Le danger n’est visiblement pas le même pour tout le monde.
DES MILLIERS DE PERSONNES
Au final, il suffirait de demander à tous ces touristes de la pêche et de la plongée, et aux équipages de thoniers étrangers ou de bateaux de plaisance qui y débarquent ce qu’ils pensent des difficultés à mettre pied à terre sur Clipperton !
Depuis le début des années 2000, entre les visites de souveraineté française, les expéditions scientifiques, les voyages annuels de pêche au thon (au départ de San Diego), les voyages de plongée sous marine (au départ du Mexique), et tous les autres voyages sans drapeaux, ni fanfare, quelques milliers de personnes ont ainsi certainement foulé le sol corallien de Clipperton.
En 2003, Lance Milbrand qui y était au profit du National Geographic, dénombrera plus d’une douzaine de navires en 41 jours !
DÉBARQUEMENT À LA NAGE
Le débarquement peut être délicat ou impossible selon l’état de la mer, mais ses dangers ne semblent pas si terrifiants. Récemment (le 31 Décembre 2011), j’ai débarqué à la nage en poussant mes sacs étanches.
Un clin d’œil à une longue tradition remontant à l’équipée du Président Roosevelt en 1938. Quant à moi, l’équipage du yacht de plaisance Moana venait de me devancer car il avait laissé son nom écrit en blocs de corail au pied du drapeau français.
UN ATOLL JAMAIS DÉSERT
De nouveaux visiteurs - une vingtaine de membres de l’expédition scientifico-artistique internationale baptisée « Clipperton Project » (autorisée par Papeete) - viennent juste de prendre la mer à bord de trois navires.
Objectif avoué ? Passer 10 jours sur l’atoll de Clipperton. A coup sûr, ils croiseront certainement un bateau de pêche sportive ou un navire de plongée.
Clipperton, « l’île X », est inaccessible. C’est en substance leur message pour rendre leur aventure plus mythique. De quoi faire ricaner de nombreux « Clippertonniens ». Car, tous ceux qui ont voulu y poser le pied y sont finalement allés. Qu’importe presque la manière ! »
Tandis que le tricentenaire de la découverte de Clipperton par des marins français est (presque) totalement passé inaperçu dans les médias* l’an dernier, des spécialistes et des passionnés par cet atoll du Pacifique se mobilisent…
C’est aujourd’hui les 85 ans de la Route 66 ! Lancée officiellement le 11 novembre 1926, l’US 66 se confond avec l'Histoire moderne des Etats-Unis d'Amérique. Extraits de l'Historique que j'ai écrit dans notre ouvrage intitulé SUR LA ROUTE 66 - carnets de voyage paru aux éditions de la Martinière. Une Histoire singulière. Et étonnante ?
« Imaginée dès sa conception comme une « voie expresse », la Route 66 va d’emblée symboliser la liberté sans précédent de voyager à travers l'Ouest américain.
Née sous l’impulsion d’entrepreneurs dynamiques de la trempe d’un dénommé Cyrus Avery dans l'Oklahoma, l’idée originelle consistait à relier par un seule et même axe routier Chicago à Los Angeles afin de faciliter les échanges surtout commerciaux.
Si d'autres routes connecteront l’Est et l’Ouest, elles suivront chacune un parcours plus linéaire et, surtout elles tiendront à l’écart les communautés rurales, celles du cœur des Etats-Unis souvent laissées pour compte du progrès.
Dès sa construction, la « Soixante-Six » va ainsi s’avérer utile au développement économique d’un pays au point de devenir rapidement une artère vitale, ce qui lui vaudra d’ailleurs d’être habilement appelée par ses promoteurs comme la « Rue principale d’Amérique (Main street of America).
La Route 66 va dès lors épouser l’Histoire d’une jeune nation, une histoire rythmée en ce début de vingtième siècle par de nombreux soubresauts.
A commencer par la « Grande dépression » suivi d’un autre épisode tragique survenu en 1934 : le Dust bowl.
Cette série de tempêtes de poussières va pousser des centaines de milliers d’habitants du Middle west, cœur agricole du pays, à fuir leurs terres et emprunter la « Soixante-Six » pour tenter d’atteindre un Eden : la Californie. Ce drame inspirera à John Steinbeck un roman magistral : « Les Raisins de la colère » (The Grapes of Wrath) paru en 1939.(…)
La Route 66 va pourtant être victime du progrès et en quelque sorte de son succès. « Deux-voies » trop étroite, trop sinueuse pour abolir les distances et trop fréquentée, la « Route-mère » devient la « Route tueuse », la « Route dévoreuse » et la source de tous les maux.
Impressionné par le réseau autoroutier allemand, le président Eisenhower décide au milieu des années 1950 de la mise en place d’un réseau d’autoroutes plus larges, plus sûres et plus sécurisées à travers tout le pays.
Si la Route 66 parait condamnée, elle continuera néanmoins d’être empruntée et vénérée par des générations de voyageurs sûrement un brin nostalgiques des « années glorieuses ».
Axe routier chargé de symboles, la « Soixante-Six » nourrit en effet l’imaginaire de tout voyageur, tout en participant à la représentation que chacun se fait des Etats-Unis. Celle d’un pays conquis par des pionniers, progressant coûte que coûte, vaille que vaille vers l’Ouest attirés par les rumeurs de richesses.
1984 à Williams dans l'Arizona, le dernier tronçon original est contourné par l’Interstate 40. Rayée des cartes routières et définitivement déclassée en 1985, la Route 66 n’est plus.
D’innombrables villes fantômes vont ainsi naître sur la « Route-Mère », délaissée et abandonnée. C’était sans compter sur la ferveur et l’opiniâtreté d’irréductibles passionnés qui tel un Phénix vont faire renaître la « Soixante-Six » de ses cendres.
Leur entreprise sera d’abord modeste. Ils planteront d’abord des panneaux signalant les portions de la « vieille route » afin de capter l’attention des voyageurs et les guider.
En fédérant leurs énergies, ils alerteront ensuite les autorités fédérales quant à la réhabilitation de cette pièce phare du patrimoine de l’Amérique. Route à fort patrimoine « génétique », l’empreinte de la « Soixante-Six » est selon eux indélébile.
« La Route 66 est éternelle. Personne ne pourra la détruire », prédisent d’ailleurs ses farouches partisans et ardents défenseurs.
Si cette voie de communication n'est évidemment plus ce qu'elle était pendant ses années glorieuses, surtout à l’approche des grandes villes et de leurs périphériques où la Route 66 a été littéralement avalée, de nombreux tronçons subsistent.
Mieux ses forts pouvoirs évocateurs demeurent. En témoignent les nombreux vestiges continuant de peupler cet axe routier chargé de symboles, les multiples opérations de réhabilitation et les touristes toujours plus nombreux.
Des voyageurs, venus du monde entier, pour palper à leur tour un morceau du rêve américain »
Plus d’une heure de programme ou 30 pastilles multimédia pour raconter autrement un bateau gris légendaire aujourd’hui disparu, telle est la teneur du webdocumentaire R97 La Jeanne - Ultime embarquement, une « œuvre multimédia » d’un nouveau genre accessible à tous sur la Toile à partir du septembre prochain.
UN WEBDOCUMENTAIRE, C’EST QUOI ? « Webdocumentaire ». Le terme est nouveau et fleurit sur la Toile depuis peu. Un « mot-tiroir » aux contours encore mal définis pour désigner une nouvelle manière de raconter des histoires.
Mélangeant des sons, des images fixes ou animées, des textes, des dessins, du design et de l’interactivité, le webdocumentaire est un objet multimédia par excellence, permettant à ses concepteurs d’explorer de nouvelles formes narratives et aux « spect-acteurs » de s’impliquer en devenant acteurs de leur propre programme.
Concernant l’avenir de ce genre hybride et protéiforme, Olivier Malaponti, ancien Rédacteur en Chef de la Radio de la Mer et aujourd’hui à la tête de Corner Prod., une société de production multimédia, est optimiste : «Le webdocumentaire, c’est déjà le documentaire et le journalisme de demain ! C’est celui qu’il faut aider, défendre et promouvoir. Disponible sur le Net, donc en tous points de la planète et en permanence, cette nouvelle manière de raconter des histoires offre des pistes prometteuses aussi bien pour les acteurs du monde des médias que pour les entreprises ou les institutions».
UN « WEBDOCU » JEANNE
Parmi les pionniers engagés dans cette nouvelle voie numérique, Olivier Malaponti, Grégoire Beaumont et leur équipe, se sont ainsi lancés avec enthousiasme, il y a plus d’un an, dans un projet ambitieux en lien avec le monde de la mer et de la Marine en s’intéressant à un navire légendaire aujourd’hui retiré du service actif : le porte-hélicoptères R97 Jeanne d’Arc.
« C’est un choix du cœur et surtout l’opportunité d’exploiter diverses facettes d’un travail de fond auquel un reporter aguerri aux us et coutumes de la Marine s’est consacré » concède le producteur également auteur de nombreux reportages marins par le passé. Quant aux contingences inhérentes à la réalisation d’un tel projet, elles ont été nombreuses tant le financement d’un webdocumentaire est problématique et la façon de travailler diffère des usages habituels dans le monde de la production.
« C’est une nouvelle manière de travailler ensemble et de produire. Il ne s’agit pas de juxtaposer des métiers et des compétences. Il faut un chef d’orchestre pour faire travailler de concert un auteur-réalisateur, un chef de projet multimédia, un photographe, un directeur artistique, un graphiste, un monteur, un développeur, un intégrateur, un désigner sonore... Un webdocumentaire, c’est le fruit d’un travail collectif dans lequel chacun doit jouer sa partition à la perfection et en même temps, chacun contribue aussi, à travers sa vision, ses expériences et ses compétences, à construire et enrichir le projet. Les frontières sont poreuses, les lignes mouvantes. C’est un vrai travail d’équipe et c’est ce qui est exaltant ! ».
Autre difficulté de taille, celle de faire concilier des exigences éditoriales, esthétiques et techniques, dans un modèle économique balbutiant. En pionniers infatigables, créateurs et concepteurs de « webdocu » (pour les initiés) défrichent heureusement avec hardiesse une nouvelle voie du journalisme et du story-telling (NDLR : la façon de raconter des histoires »).
Olivier Malaponti en est d’ailleurs convaincu, lui le producteur d’un webdocumentaire dédié à un bateau légendaire de la Marine : « Fort de trois ans de travail ayant donné naissance à un Beau-Livre, des reportages, des expositions et un film documentaire, Stéphane Dugast a pu exploiter toutes ces ressources pour raconter autrement ce bateau. Fort d’images d’archives et de clichés somptueux de Christophe Géral, il a offert à la Jeanne une deuxième vie. Chacun va ainsi pouvoir embarquer une dernière fois sur la Jeanne pour y découvrir sa passerelle, ses machines, son pont d’envol, ses « faits d’armes », ses marins et ses milles et une vies ».
Continuer à faire vivre un morceau phare du patrimoine naval hexagonal, sans verser dans la nostalgie ou dans un langage seulement connu des initiés, a été le leitmotiv des concepteurs de cette œuvre multimédia intitulée « R97 la Jeanne d’Arc - Ultime embarquement ». La parole est désormais aux internautes, « webdocu » et interactivité obligent !
Trevor REDOR Photographies Christophe Géral & Yann Le NY (MN) // Illustration Christian Cailleaux
FICHE TECHNIQUE //
« R97 La Jeanne - Ultime embarquement ». Réalisation & écriture // Stéphane Dugast. Photographies // Christophe Géral. Images vidéo // Frédéric Ménissier. Développement // Pierre Bance. Graphisme // Adrien Aybes-Gile. Musique, design sonore & mixage // Eric Heber-Suffrin. Montage // Smaragda Nitsopoulo & Grégoire Beaumont. Voix-off // Katy Varda. Une production Corner Prod. en association avec Betaprod et le soutien du groupe Le Télégramme, TV Rennes 35, Ty Lorient, Tébéo, Mer & Marine la région Bretagne, DCN-S, les éditions Casterman S.A et de la cinémathèque de Bretagne.
UN LIVRE « La Jeanne d’Arc, porte-hélicoptères R97 » Enquête de Stéphane DUGAST Photographies de Christophe GERAL (E/P/A éditions) Prix du Beau Livre Académie de Marine 2010
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UN FILM « La Jeanne d'Arc - Ultime embarquement » Documentaire - 52 min (Beta Production) Réalisation & écriture de Stéphane DUGAST Diffusions sur TV Rennes, TY Télé & Tébéo
Retrouvez tout l'été sur ce blog l'odyssée brésilienne d'un bateau de légendes. Un grand reportage paru il y a (déjà) 8 ans dans les colonnes de Cols Bleus, le magazine de la Marine nationale. Destination le Brésil, l'Amazonie et la Guyane pour le trois-mâts Belem. Sur les traces de son glorieux passé. En route pour une navigation inédite sur l'Amazone.
Pour ceux que les bonnes paroles du commandant n’auraient pas convaincu, la confirmation viendra le lendemain à 6 heures du matin. Dans la bannette pour les plus chanceux ! Sur le Belem, on se fait désormais branler.
Les eaux devenues moins marrons et plus bleues sont moins calmes. Sur le spardeck du trois mâts, le point de vue est imprenable. Le voilier est dorénavant sous voiles. Malgré tout, sans vent, le trois-mâts semble complètement scotché.
Naviguer à 2 ou 3 nœuds a de quoi surprendre et décourager un néophyte. Juste avant de manger, il va falloir carguer les voiles puisque le navire va devoir gagner du terrain au moteur. «Nous allons faire cap au moteur vers l’Est et le grand large pour chopper des vents. Nous sommes en plein pot au noir» précise le commandant en soirée.
Une bonne suée, un repas copieux et une douche plus tard, voilà l’apprenti marin du bord fourbu. L’air de la mer et le métier qui rentre…
Les manœuvres, l’ascension de la mâture et des vergues pour les plus courageux, l’apprentissage de la sémantique Belem (perroquet, grand hunier, mât d’artimon brigantine, beaupré), les quarts, les nuits étoilées et la croix du sud visible sous ces latitudes, les dauphins maculés de plancton phosphorescent… la vie va désormais lentement s’égrener au rythme du vent et de la mer.
Comme jadis ! Adieu vieux Brésil, le Belem te quitte avec un pincement au cœur. A croire qu’il n’y a qu’en mer qu’on peut toucher l’esprit du Belem. Et puis, loin de l’agitation des terriens, l’humeur du marin est loin d’être bougonne… (FIN)
Retrouvez tout l'été sur ce blog l'odyssée brésilienne d'un bateau de légendes. Un grand reportage paru il y a (déjà) 8 ans dans les colonnes de Cols Bleus, le magazine de la Marine nationale. Destination le Brésil, l'Amazonie et la Guyane pour le trois-mâts Belem. Sur les traces de son glorieux passé. En route pour une navigation inédite sur l'Amazone.
Retour aux réalités de l’odyssée Atlantique. Après un mouillage de nuit sans anichroches, le Belem est reparti vers 4 heures du matin et file à un train de sénateur à travers les différents rios (rivières) plus ou moins larges de l’estuaire pour un transit sous haute protection.
Une vedette de la police fluviale est au côté du trois-mâts. La région est peu sûre. C’est d’ailleurs dans le coin que le navigateur néo-zélandais, le géant des mers Peter Blake, est tombé sous les balles de pirates il y a quelques mois. Pas tellement rassurant ! Une protection rigoureusement indispensable.
Un voilier de couleur jaune et verte, le Condessa Cristina sur lequel a pris place une équipe de cinéastes, escorte également le Belem. Une véritable flotte de combat ! Les paysages ne varient guère par rapport au premier jour mais aucun des passagers ne s’en plaindra !
Dès midi, le voilier va mouiller au large de la ville de Portel. Un après-midi au cœur de la forêt et de ses mystères, la petite ville de Portel, ses rares bars et ses restaurants vont permettre à ceux qui se sont rendus à terre de toucher du doigt la réalité des villages amazoniens.
Départ le lendemain pour Macapa ou pour être plus exact le port de Santana, à une douzaine de kilomètres de la capitale de l’État d’Amapa. Là où mouillera le Belem pendant 3 jours avant d’entamer sa remontée vers la Guyane.
Si le Para a été la destination de prédilection du Belem armé par Crouan, Cayenne a pris le relais lorsque le voilier a porté ensuite les couleurs des maisons Demange et Fleuriot. Point de jeux du hasard dans cette Odyssée...
Allons z’enfants de l’Amapa
Après une matinée de navigation sans problèmes, voilà le trois-mâts et son équipage presque arrivés à Santana. A quelques encablures du poste de douane de Fazendinha et de l’endroit où Sir Peter Blake a été assassiné.
L’attente est interminable. Les autorités brésiliennes sûrement tatillonnes. «Vous savez, le Belem est un bâtiment un peu à part. Pour qu’il soit reconnu au Brésil comme un bâtiment officiel, il a fallu se battre» explique Hubert de Gevigney , atatyaché naval à l'ambasse de France à Brasilia et embarqué sur le Belem, comme pour mieux nous faire comprendre les difficultés rencontrées.
Au mouillage depuis bientôt deux heures, on commence à s’impatienter. «Où sont les pilotes ? J’ai besoin d’eux !» s’affole le commandant Cornil. Enfin ! Si ces contretemps ont pu altérer l’humeur des marins et des passagers, le soir même une réception donnée par Mme le Gouverneur au musée Sacaca rassurera tout ce beau monde.
Il faut dire que l’État d’Amapa, contigu avec la Guyane française, choie les « gaulois » et leur culture. L’ancien gouverneur Joa Alberto Capiberibe est un francophile averti qui a multiplié les échanges avec la Guyane et la métropole.
Le lendemain, une délégation du bord visitera la plus grande fortification construite par les portugais au Brésil : le fort de Sao Jose de Macapa. Les stagiaires réadmis sur le voilier ne profiteront pas trop quant à eux de l’escale à Macapa puisque la plupart arriveront, le surlendemain, juste pour l’appareillage.
Qu’importe ! Eux sont impatients de carguer et d’envoyer les voiles car le trois-mâts va entamer sa remontée sur la Guyane sous voile. Une navigation à l’ancienne qui les ravit.
Pour aujourd’hui, c’est raté ! La sortie de l’embouchure de l’Amazone se fera au moteur. «Nous allons prendre le passage difficile de Bara Norte, nous mettrons le cap ensuite vers le large pour nous éloigner de la terre et de ses dangereux fonds. Ensuite, nous pourrons envoyer la toile» prévient le commandant. De quoi combler les stagiaires. Promis demain, le Belem arrêtera de jouer les péniches ! (LIRE LA SUITE)
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Même s’il n’est pas sous voiles, qu’il doit avoir fier allure le Belem ! Après une première nuit sans histoire, le trois mâts file dans les eaux limoneuses de l’estuaire de l’Amazone.
Plate-forme avant, le «gaillard» dans le parler Belem hérité de la marine à voile, le paysage défile en kaléidoscope. Sur les deux bords, la végétation luxuriante semble impénétrable. Du vert et l’ocre de la terre à l’infini, de temps en temps occupé par des maisons tout en bois sur pilotis. Une façon de rappeler que l’endroit est habité.
Les nombreuses pirogues venant saluer le passage du Belem viennent pimenter la traversée. Durant cette première journée, tout le monde ou presque est sur le pont afin de voir, d’écouter et de déguster comme sûrement le faisaient à l’époque les navigateurs espagnols, portugais et même français qui ont exploré cette région immense parsemée d’îles, de rivières et de canaux.
La démesure de l’embouchure de l’Amazone, de ces lieux où terre et mer s’entremêlent, a d’ailleurs donné le nom à la région. «Pa’ra» dans la langue des indiens Tupis signifie «grand océan». Le navigateur Vicente Yanez Pinzon lui-même impressionné par la taille de l’embouchure du fleuve le dénomma le rio de la mar dulce (le «fleuve de la mer d’eau douce») et refusa de s’y aventurer plus en amont.
Si les eaux marron et la verte végétation caractérisent les lieux, les bruits de la forêt sont l’autre particularité frappante. Les chants d’oiseaux et d’autres animaux nous rappellent que nous sommes bien en Amazonie.
Un écosystème où foisonnent différentes espèces animales et végétales comme l’explique Michel Huet, naturaliste de formation et homme de télévision embarqué sur le Belem : «L’Amazonie est une région qui regroupe une faune et une flore parmi les plus variées du globe. Une forêt exubérante, la plus grande du monde ? Un climat chaud et le plus humide ? Une forêt à étages regorgeant d’espèces les plus rares ? Un poumon pour la planète ? L’Homme se laisse parfois aller à délirer sur l’Amazonie. Pour moi, le fantastique réside exclusivement- dans la connaissance des phénomènes de la nature. Ainsi l’Amazonie comme toutes les forêts équatoriales est une machine à recycler formidable. Ses maigres ressources génèrent un taux de croissance extraordinaire, une infinie variété d’espèces pour pratiquement aucun déchet».
Enthousiaste et intarissable sur le sujet, le scientifique, également animateur sur le petit écran, va partager ses connaissances encyclopédiques avec les marins et les « croisiéristes » du Belem. La croisière s’amuse ? Non, elle s’instruit… (LIRE LA SUITE)
Retrouvez tout l'été sur ce blog l'odyssée brésilienne d'un bateau de légendes. Un grand reportage paru il y a (déjà) 8 ans dans les colonnes de Cols Bleus, le magazine de la Marine nationale. Destination le Brésil, l'Amazonie et la Guyane pour le trois-mâts Belem. Sur les traces de son glorieux passé. En route pour une navigation inédite sur l'Amazone.
Direction le petit roof qui abrite le carré commandant. Le chef machine maugrée. Sommeil agité ? Contrariétés matinales liées à l’appareillage ? Agitation des grands jours autour du voilier ? L’œil est noir et le ton agacé. Si la musique adoucit les mœurs, celle jouée sur les quais devrait vite faire disparaître l’humeur maussade du chef. A moins que le thé et les quelques tartines beurre-confitures avalés y contribuent également. Qui sait ?
Une chose est sûre, les quais déserts pendant toute l’escale du navire français pour des raisons de sécurité, grouillent de monde en ce samedi matin. Il y a même une fanfare militaire, celle des fusiliers marins de Belém.
Des notes s’échappent involontairement des instruments. Visiblement les marins-musiciens brésilien sont impatients d’en découdre. Le flux des spectateurs grossit à vue d’œil. Les marins du Belem, quant à eux, sont à poste.
Appareillage imminent. Les manœuvres ne vont pas tarder à débuter. Musique Maestrii ! «La mer, qu’on voit danser le long des golfes clairs…». C’est sur l’air de la célèbre chanson de Charles Trenet que la fanfare do Brasil a choisi d’ouvrir les hostilités.
Le soleil jusque là absent s’invite même à la garden-party. Le Belem va quitter la ville éponyme en fanfare et sous des reflets d’argent. En route pour la verte Amazonie…
Un sixième continent
Les docks réhabilités en restaurants, les grues jaunes, les hangars estampillés Companhia docas do Para, le marché coloré de Ver-O-peso, plus loin des villages lacustres (en fait des favelas) et leurs navires tout rouillés juste échoués devant, les buildings modernes en béton déjà défraîchis du centre-ville, les vieilles façades toutes lézardées vestiges d’un Belém de toute splendeur.
La capitale du Para nous livre ses différentes facettes et défile comme un long plan séquence au cinéma. Les passagers sont étonnamment silencieux. Un dernier coup de sirène pour saluer la ville. Le forte de Castelo, bâtiment fondateur de la ville, va bientôt disparaître du panorama.
Tchao Belem, direction l’État d’Amapa et la ville de Macapa, de l’autre côté de l’embouchure de l’Amazone. Pour cette traversée, le «fameux trois-mâts» a fait le plein. Exit les stagiaires, place aux invités et à la presse pour une croisière sur l’Amazone. «Traverser l’estuaire de l’Amazone, c’est mythique. Même au moteur !» s’enthousiaste l’un des invités du bord.
De quoi estomper les frustrations des stagiaires férus de voile pas prévus sur cette traversée très singulière. A bord, les discussions vont bon train sur la ville de Belem, ses environs et le reste du Brésil. Qu’elles sont loin les «images d’Epinal»...
Des paysages façon carte postale
Le touriste en quête de plages de sable fin, d’un grand ciel bleu azur et de jolies métisses en maillot de bain bariolés et échancrés en est pour ses frais.
Des clichés sur le Brésil qu’Hubert de Gevigney, attaché naval et adepte inconditionnel de ce pays extrême, bat en brèche : «Les Français ont une vision très faussée du Brésil. Rio de Janeiro, le pain de sucre… C’est comme si pour les Brésiliens, la tour Eiffel représentait globalement la France !».
L’officier en poste à Brasilia assène un argument de taille : «Le Brésil ? C’est un véritable continent ! Rendez-vous compte, l’état du Para dont Belém est la capitale est grand comme 2 fois la France !».
Et le marin de multiplier les comparaisons et les richesses de «son» pays à l’envi. Pendant ce temps là, les bâtisses et les autres traces de civilisation vont peu à peu disparaître des rives. Et la forêt reprendre ses droits. Notre voyage s'écrit en vert... (LIRE LA SUITE)
Stéphane DUGAST Photographies DR / Illustration SD/ Galen Fryzer
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L’humeur est bougonne en ce samedi matin sur le Belem. Au mouillage depuis bientôt 8 jours, l’unique trois-mâts barque français a pourtant fêté son retour en fanfare dans la capitale de l’Etat du Para au nord-est du Brésil. 95 ans après sa dernière escale dans cette ville brésilienne qui lui donna son nom, le fameux trois-mats est revenu. « Le Belem retrouve les routes de son histoire dont celles de l’Amérique du sud et des Antilles presque un siècle plus tard », précise doctement le commandant, Marc Cornil.
Du Brésil à la Guyane via l’estuaire de l’Amazone pour un retour aux sources. « De 1896 à 1914, le Belem a effectué 33 campagnes au commerce entre la France, le Brésil et les Antilles.Dès sa première traversée, ce voilier de commerce est allé dans l’embouchure du Rio Para dans le port dont il tire son nom », ajoute le truculent commandant qui visiblement en connaît un rayon sur les grandes épopées maritimes dans cette région du Brésil.
Jusqu’en 1907, la ville de Belém a été sa principale destination. En provenance de Nantes, le navire de petite taille, dit de la série des «Antillais», faisait route vers la capitale du Para avec une cargaison de divers produits manufacturés chargée en Angleterre, avant d’entamer sa remontée via les Antilles avec un chargement de fèves de cacao destinées au chocolatier parisien Meunier.
Autant d'anecdotes rappelant la riche histoire du trois-mâts et ses liens étroits avec le Brésil. Autre clin d’œil de l’histoire, les retrouvailles en Amérique du sud en avril dernier ont été savoureuses comme l’explique avec délectation le commandant : « Lors des derniers jours de l’escale à Belém, j’ai fait une rencontre exceptionnelle. Celle d’un des descendants de l’armateur qui a décidé de la construction du trois-mâts. Il faut savoir que l’armateur Monsieur Crouan disposait à l’époque de comptoirs dans l’État du Para au Brésil », avant d’ajouter pompeusement : « Naviguer en Amazonie et en Guyane, c’est naviguer sur la plus grande scène naturelle du monde ». Voilà qui promet... (LIRE LA SUITE)
Stéphane DUGAST Photographies SD / Illustration DR / Glénat
Ancien commandant du dundee Mutin et de la goélette l’Etoile, Patrice L’Hour est un fin connaisseur de la Marine à voile. A l’occasion du prochain Grand Prix de l’Ecole Navale qui va se dérouler dans la rade de Brest, du 2 au 5 juin prochain, je l’ai interrogé sur l'utilité de la voile dans la Marine militaire moderne. Réponse de l’intéressé.
« A l’ère des navires de guerre modernes, naviguer sur des voiliers peut apparaître anachronique. Pourtant, aujourd’hui comme hier, souvent, seul le sens marin nous permet de nous sortir des situations délicates.
Savoir naviguer « à l’ancienne » permet d’assimiler et d’appréhender les fondamentaux du métier de marin.
Plus que sur un autre bâtiment, l’esprit d’équipage, la rusticité et les exigences du métier sont palpables sur les voiliers-écoles de la Marine nationale. J’ai eu la chance de commander le dundee Mutin et la goélette Etoile.
Durant mes deux années de commandement de l’Etoile, le programme d’activités a été soutenu : 1 924 élèves embarqués, 34 ports visités, 9 pays visités et 26 145 nautiques parcourus. Point d’orgue de cette affectation, notre participation, en compagnie de la goélette Belle-Poule, à une course océanique phare : la Tall Ships Atlantic Challenge durant l'été 2009*.
C’est à cette occasion que les goélettes ont traversé pour la première fois l’océan Atlantique. Cette épopée a connu par ailleurs un beau succès médiatique puisque le blog ouvert pour l’occasion a été visité par près de 13 000 internautes en l’espace de quatre mois. Preuve de l’intérêt du grand public pour les voiliers écoles de la Marine.
A une époque où les passerelles des bâtiments modernes offrent de moins en moins d’accès sur l’extérieur et disposent d’équipements modernes, il faut pourtant toujours important d’apprendre « à lever la tête, à observer la mer et à sentir les éléments ».
Préserver l’apprentissage de la navigation traditionnelle demeure encore, à mes yeux, un choix pertinent et de plus en plus judicieux. Un marin doit toujours avoir en tête que les équipements modernes tombent en avarie tôt ou tard et très souvent « au moment où il ne le faut pas ». Il est alors indispensable de savoir pratiquer la navigation avec les instruments de base pour continuer de naviguer en sécurité.
En plus d’être des écoles de la mer et de la vie en équipage sans égales, ces voiliers participent au rayonnement de la Marine et permettent de vivre des expériences uniques. L’un de nos glorieux anciens était d’ailleurs élogieux à leur propos : « Elève, j'ai toujours beaucoup aimé embarquer sur ces bateaux. Nous participions aux manœuvres, à la barre et à la navigation. Comme les deux goélettes naviguaient presque toujours de conserve, de l'une nous avions toujours une très belle vue de l'autre. On peut être reconnaissant à la Marine nationale d'avoir su garder ces éléments importants de notre patrimoine maritime dans un état impeccable. Ces bateaux sont magnifiques et l'on ne peut que souhaiter que la Marine nous les garde pour toujours ». Ce marin s’appelait Eric Tabarly.
Quant à l’intérêt économique de conserver des voiliers-écoles, il est avéré. Le prix du « baril de vent » est constant et cette ressource inépuisable. La navigation à la voile est donc encore un vecteur de formation adéquat, fédérateur, symbolique, médiatique et de surcroît économique »
Propos recueillis par Stéphane DUGAST Photographies Marine nationale
* Livre à paraître en juin prochain La Belle Poule en Amérique d’Olivier Lebosquain